C’est devenu une tactique habituelle. Le Maroc use du chantage pour contraindre l’Espagne à adopter une position conciliante à son égard, notamment dans le dossier du Sahara occidental pour lequel Madrid n’a pourtant pas une approche franchement alignée sur les recommandations des Nations unies. En février 2017, il avait laissé passer plusieurs centaines de migrants africains vers l’enclave espagnole de Ceuta, histoire de donner des sueurs froides aux dirigeants ibériques et de contraindre l’Europe à des postures juridiques «adéquates» sur l’exploitation marocaine illégale des ressources sahraouies. Deux semaines plus tard, ce sont plus de 800 migrants africains qui ont débarqué à Ceuta et, depuis, le ton est au chantage explicite.
Rabat a cru pouvoir miser sur l’exemple des Etats-Unis de Donald Trump qui a «reconnu» la prétendue «souveraineté marocaine» sur l’ancienne colonie espagnole, en échange d’une «normalisation» confirmée des relations avec l’Etat sioniste. Pour le Makhzen, l’Europe devait suivre la même voie et, pour l’y contraindre, tous les moyens sont bons, en particulier celui d’agiter la menace d’un flux massif de migrants à la conquête des Canaries espagnoles.
L’obsession est d’autant plus forte que l’opinion en Espagne est largement favorable au Front Polisario et cela, le Makhzen ne peut le supporter. «L’Europe doit sortir de sa zone de confort et suivre la dynamique des États-Unis», avait déclaré le MAE marocain Nasser Bourita, quelques jours après le 10 décembre 2020, date de la décision unilatérale de Trump qui bafouait les principes et les positions américaines sur cette question, avant d’ajouter:«Une partie de l’Europe doit être plus audacieuse, car elle est proche de ce conflit.»
Rabat ne pardonne pas à Madrid son absence à la réunion virtuelle organisée avec le département d’Etat américain pour appuyer son plan d’autonomie sous souveraineté marocaine du Sahara occidental. Une quarantaine de pays y avaient pris part mais, du côté européen, il n’y avait que la France. Décidément aux abois, le royaume marocain multiplie les pressions et cible, tout particulièrement, l’Espagne, pour des raisons géographiques évidentes.
Quant à sa diplomatie, elle tente de vendre la proposition indécente de l’autonomie et, pour cela, le MAE Bourita est attendu, le 6 mai prochain, aux Etats-Unis où il sera l’invité du lobby sioniste, incarné par l’AIPAC, proche de la droite israélienne et de Benjamin Netanyahu. Nul doute que la concertation sera centrée sur les échanges d’expérience en matière d’annexion illégale des territoires.
L’Expression, 29 avr 2021
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