Début d’une crise diplomatique ? Le Maroc demande des explications à l’Espagne pour avoir accueilli le leader du Front Polisario

Brahim Ghali, 72 ans, a été admis dans un hôpital espagnol pendant une semaine avec un faux passeport. On pense qu’il est atteint d’un cancer et d’un coronavirus.

Le Maroc a exprimé sa colère à l’égard de l’Espagne qui a accueilli le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, âgé de 72 ans, il y a au moins une semaine. Depuis dimanche 18 avril, il est hospitalisé à Logroño, dans le nord du pays, sous une fausse identité, où il est soigné pour un cancer et un coronavirus.

L’ambassadeur d’Espagne à Rabat, Ricardo Díez-Hochleitner, a été convoqué ce samedi par un directeur général du ministère marocain des Affaires étrangères, « pour l’informer de cette position et exiger les explications nécessaires sur l’attitude de son gouvernement », selon le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger à travers un communiqué rendu public sur ses réseaux sociaux.

Selon la version de la diplomatie espagnole, rappelée vendredi dernier par la ministre des Affaires étrangères, Arancha González Laya, le Ghali avait été accueilli pour des « raisons strictement humanitaires ». « Cela n’empêche ni n’affecte les excellentes relations que l’Espagne entretient avec le Maroc », a déclaré M. Gonzalez Laya lors d’une conférence de presse, soulignant que le Maroc est un « partenaire privilégié » de l’Espagne dans les domaines économique, politique, migratoire, commercial et dans la lutte contre le changement climatique.

De son côté, la diplomatie marocaine a réagi dimanche en déclarant que « le Royaume du Maroc déplore l’attitude de l’Espagne » et rappelle que le chef « des milices séparatistes du Polisario » est poursuivi « pour de graves crimes de guerre et de graves violations des droits de l’homme », en référence à l’enquête ouverte au tribunal national espagnol pour des crimes présumés commis contre la population des camps de réfugiés de Tindouf, au sud-ouest de l’Algérie.

« Le Royaume du Maroc exprime sa déception face à cet acte, qui est contraire à l’esprit de partenariat et de bon voisinage », poursuit le communiqué, dans lequel un certain nombre de questions sont exprimées : « Pourquoi le dénommé Brahim Ghali a-t-il été admis en Espagne en catimini et avec un faux passeport ? Pourquoi l’Espagne a-t-elle jugé utile de ne pas prévenir le Maroc ? Pourquoi la justice espagnole n’a-t-elle pas encore réagi aux nombreuses plaintes déposées par les victimes ? ».

Comment Ghali s’est-il retrouvé en Espagne ?

Pendant 10 jours, on n’a pas su où se trouvait le chef du Front Polisario, notamment depuis le jour où le chef de sa garde nationale, Adah el Bendir, est décédé.

Apparemment, selon des médias marocains, comme Le 360, près du palais royal, le général Chengriha, chef de l’armée algérienne, s’est rendu à la résidence du chef du Polisario et, constatant son état de santé grave, a décidé de le transférer à l’hôpital d’Aïn Neâdja à Alger, puis dans un centre oncologique privé.

On a alors commencé à envisager l’idée de le transférer dans un hôpital européen. Apparemment, l’Allemagne a refusé de le recevoir et c’est alors que l’Algérie s’est tournée vers l’Espagne, qui a décidé de l’accueillir et a procédé à son admission dans un hôpital de Saragosse sous une fausse identité, d’où il a été transféré en ambulance à Logroño.

Ghali a été dénoncé en 2012 par une association sahraouie basée en Espagne et liée aux autorités marocaines, ce qui lui vaut d’être poursuivi par l’Audiencia Nacional.

Qui est Brahim Ghali ?

Brahim Ghali était le représentant de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) à Alger. Depuis 2016, il est devenu secrétaire général du Front Polisario et président de la RASD, suite au congrès extraordinaire organisé après le décès de son prédécesseur, Mohamed Abdelaziz, décédé le 31 mai de la même année aux États-Unis.

Il est considéré comme l’un des fondateurs du Front Polisario et appartient à l’aile la plus radicale de cette institution. Entre 1976 et 1985, il a été ministre de la défense. Par la suite, il a été le représentant du Front Polisario à Madrid.

Qu’est-ce que le Front Polisario ?

Le Front Polisario revendique l’indépendance du Sahara occidental, contrôlé par le Maroc depuis 1975, date à laquelle l’Espagne a abandonné un territoire considéré comme une colonie. Il s’agit d’un mouvement de libération nationale qui fonctionne comme un gouvernement en exil.

Fondée en 1973, elle est née dans le but d’obtenir l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne, puis elle a combattu les pays (Maroc et Mauritanie) qui avaient illégalement divisé le territoire sahraoui, selon l’ONU.

Les combats ont continué jusqu’en 1991, date à laquelle un cessez-le-feu a été conclu, mais il a été rompu en novembre de l’année dernière, lorsque les hostilités ont repris et que le Maroc a lancé une offensive militaire contre le Front Polisario.

De son côté, le Maroc a construit dans les années 1980 une série de murs de 2 000 kilomètres de long dans le désert, parsemés de mines, qui divisent le territoire sahraoui en deux et empêchent la mobilité des guérilleros du Front Polisario.

À ce jour, seule l’administration américaine passée de Donald Trump a reconnu la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

RT, 26 avr 2021

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