Algérie / La nouvelle affaire qui menace Bedoui

IL EST CITÉ DANS LE DOSSIER DES FRÈRES KHERBOUCHE

par Abla Chérif

Un nouveau dossier impliquant un homme d’affaire ayant perçu d’indus avantages risque de compliquer la situation dans laquelle se trouve Noureddine Bedoui, ministre de l’Intérieur puis Premier ministre inculpé dans un autre cadre.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Des informations émanant de sources généralement bien informées font d’ailleurs état du transfert de son dossier, traité par les instances compétentes au niveau du pôle spécialisé du tribunal de Sidi-M’hamed qui se chargera des suites à donner à l’affaire. Noureddine Bedoui est poursuivi en qualité d’ancien wali ayant géré un évènement important, «Constantine capitale de la culture arabe». Il avait été convoqué (c’était la première fois) par les services de la police judiciaire ce cette wilaya peu de temps après la suppression de l’article portant sur le privilège de juridiction et en vertu duquel les anciens ministres et hauts responsables étaient soumis à des juges de la Cour suprême.

Dans le nouveau dossier en cours d’instruction au niveau du pôle spécialisé du tribunal de Sidi-M’hamed, il est, par contre, cité en qualité d’ancien ministre de l’Intérieur ayant assisté à l’inauguration d’un groupe spécialisé dans l’agroindustrie à Tlemcen appartenant à une fratrie, les Kherbouche, très connue dans l’ouest du pays. Bédoui vient d’être récemment nommé. Il donne le coup d’envoi à la mise en place d’un projet qui entre dans le cadre du montage automobile. Cette fois il concerne une unité de montage de tracteurs agricoles représentant la marque allemande Deutz-Fahr.

Les enquêteurs ne font pas dans le raccourci en accusant directement l’ancien ministre de l’Intérieur d’avoir soutenu le groupe Kherbouche, mais ils l’insinuent cependant en notant que le projet a démarré peu de temps après son inauguration en dépit de l’opposition des plus hautes instances concernées.

L’enquête déclenchée sur le sujet a été lancée sur instruction d’un magistrat de la Cour suprême en janvier 2019, et elle a été appuyée par une expertise minutieuse menée par une équipe de l’Inspection générale des finances (IGF) qui a abouti à des conclusions parfois impressionnantes. Les investigations menées mettent d’abord l’accent sur le fait que l’inauguration faite en présence de Bedoui a été suivie d’une entrée en activité du groupe en dépit de toutes les réserves émises sur le sujet par les parties concernées. Youcef Yousfi, qui occupe le poste de ministre de l’Industrie au moment où se déroulent les faits, s’oppose farouchement à l’octroi d’une autorisation aux Kherbouche. L’enquête qui touche plusieurs secteurs (ministère de l’Industrie, l’Andi, les douanes, la direction des registres de commerce, les banques…), démontre que certaines commissions et autorités habilitées à donner leur aval font montre de réticences et émettent des réserves.

Les procédures s’étalent dans le temps. Une commission interministérielle chargée d’étudier les dossiers des concessionnaires automobiles et matériels roulants émet un avis inverse et juge le projet faisable. Youcef Yousfi s’y oppose une nouvelle fois et refuse y compris de délivrer (par le ministère de l’Industrie) une autorisation temporaire. Le groupe Kherbouche tente de débloquer la situation en adressant des lettres au ministère de l’Industrie.
Les enquêteurs font remarquer que le groupe en question se heurte à ce moment à une batterie de lois et de réglementations qui l’empêchent d’entrer en activité. Toutefois, notent-ils encore, l’entreprise finit par trouver rapidement les moyens de contourner la législation et entame ses activités. Elle les étend aussi. En 2018, le groupe Kherbouche dépose une demande d’autorisation pour les marques SAME, Lamborghini et complète le dossier Deutz Fahr au sujet duquel des réserves ont été émises par la commission chargée d’étudier le dossier. Des irrégularités sont également signalées. Elles sont notamment relevées dans la wilaya de Tlemcen où les autorités habilitées ne supervisent pas les importations faites en 2018. Le projet de montage et commercialisation de tracteurs a pourtant occasionné de lourdes pertes. L’opération d’importation des tracteurs agricoles a eu un impact direct sur les réserves de change. Les pertes sont estimées à 13 737 516, 82 euros et 100 296 dollars. L’exonération des taxes douanières de 2015 à 2017 qui ont profité au groupe Kherbouche ont occasionné un manque à gagner de 5 560 638, 51 DA au Trésor public.

L’expertise de l’IGF a été menée suite à l’ouverture d’une enquête judiciaire qui se poursuit au niveau du pôle spécialisé du tribunal de Sidi-M’hamed. La liste des personnalités inculpées dans cette affaire reste inconnue pour l’heure. L’on sait, en revanche, que Youcef Yousfi a été auditionné par le juge d’instruction dans ce dossier.

Le Soir d’Algérie, 29 avr 2021

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