par Abdelkrim Zerzouri
Il s’en va sans avoir appris à la noria des défenseurs des droits de l’homme en Algérie, les principes de ses positions immuables aux côtés des opprimés de quelques bords politiques qu’ils soient. Le défunt Ali Yahia Abdennour, qui n’a pas eu beaucoup d’amis dans sa vie, c’est le commun des hommes droits et libres qui ne voguent pas au gré des vents, du moins il s’est fait plus d’un ennemi pour chaque ami gagné, pouvait-il avoir des tas de relations affectueuses quand il a tiré sa révérence ?
« De son vivant, il aspirait à un fruit et quand il est mort, on lui a pendu une boiterie », disait si bien ce proverbe très répandu dans les pays nord- africains. Si on doit lui reconnaître le mérite d’avoir été le défenseur infatigable de tout citoyen victime d’oppression du pouvoir et intraitable sur les questions des libertés et des droits de l’homme, on ne peut pas pour autant tenter, aussi petit qu’on est, de se confondre dans sa lutte.
De son vivant, le défunt Ali Yahia Abdennour avait confirmé dans ses interviews que dès l’avènement du multipartisme en Algérie, ses prises de position pour la promotion et la défense des droits de l’homme ne lui ont valu que rancunes et haines. « Je me suis trouvé au carrefour de tous les malentendus, où la haine, l’insulte, la diffamation ont fait office de pièces à conviction », rapportera le défunt dans un entretien publié en 2007, quand il évoquait cette période sanglante de l’histoire de l’Algérie, celle des années 90.
Partisan et artisan du contrat de Saint Egidio, signé en 1995 par une partie de l’opposition à Rome, proposant une sortie de crise avec la participation de toutes les parties, sans exclusion aucune, le défunt s’est attiré les foudres du pouvoir en place et de ce qu’on appelait les éradicateurs, qui ont qualifié cette initiative de «trahison», et qui, depuis, ne l’ont plus porté dans leurs cœurs. Doit-on encore rappeler dans ce contexte qu’il a été rapetissé, voire écrasé, pour devenir «l’avocat du Fis» et non le défenseur infatigable des droits de l’homme qu’on lui reconnaît aujourd’hui. C’est toujours une bonne attention des uns, un bon ressaisissement d’autres, même si on ne peut pas ne pas soupçonner certains, comme de coutume lors des disparitions d’hommes célèbres qui ont marqué l’histoire du pays, de fausse communion pour gagner le capital sympathie populaire des disparus.
Pour être vrai dans ses sentiments à l’égard du défunt, on devrait faire sienne cette règle qui lui est si chère et qui veut que la défense des droits humains et des libertés ne puisse en aucun cas être à géométrie variable. Les uns et les autres auraient dû l’écouter et lui donner raison au moins une ou deux fois dans sa longue vie. Un lourd héritage que ne pourraient porter ni ses amis ni ses ennemis d’hier, qui ne se supportent pas jusque dans des moments de douleur d’une si grande perte pour le pays, et qui tentent tardivement de se racheter, au moment où son corps est porté pour être enseveli sous terre. Il y a comme ça des hommes qu’on ne peut côtoyer qu’une fois dans le siècle.
Le Quotidien d’Oran, 29 avr 2021
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