Les notes de conjoncture de la banque d’Algérie se font rares : La sphère économique dans le flou

Etant l’éclaireur de la situation macroéconomique et financière du pays, la Banque d’Algérie s’abstient depuis le second semestre de 2018, plus de deux ans, de publier des données détaillées sur l’état des finances, et de fournir des indicateurs économiques capables de donner de la visibilité aux opérateurs économiques qui sont de plus en plus dans l’incertitude.

Bien qu’elle apporte certains chiffres concernant des indicateurs monétaires, la note publiée en février dernier par la Banque d’Algérie, portant sur l’évolution des situations monétaires et prudentielles à la fin 2020, demeure loin des espérances des économistes et opérateurs économiques. Une note, qui selon un financier et ancien cadre de la Banque centrale, «contient tout, sauf l’essentiel».

Le maintien de l’opacité sur plusieurs indicateurs impactera négativement les décisions et sèmera le doute chez les opérateurs économiques qui souhaitent s’engager dans des projets. Selon, une source à la Banque centrale, «la note de conjoncture est publiée uniquement en interne et ne tardera pas à être rendue publique».

Qui connaît aujourd’hui le niveau des réserves de change, qui est devenu un tabou dont on ne discute pas ? Lorsque la question a été posée au premier argentier du pays, au début du mois, il a juste mentionné que leur niveau dépasse les 42 milliards de dollars, sans donner plus de précisions. Mais ce n’est pas la première fois qu’on fait de la rétention sur les chiffres. La Banque d’Algérie n’a pas communiqué sur le niveau de l’inflation, des déficits du commerce extérieur ni sur les finances publiques depuis belle lurette. Pourtant, il lui est fait obligation de présenter un rapport devant l’Assemblée nationale populaire (APN).

Ce qui n’a pas été fait l’an dernier, rajoutant du flou aux perspectives financières et économiques du pays.

Pour l’économiste Yacine Ould Moussa, cette absence de donnée «est asymptotique». La principale explication, dit-il, est dans le fait que «la communication est un outil moderne qu’on n’utilise pas dans des contextes archaïques». Selon lui, il y a une «volonté de cacher le dysfonctionnement et la mauvaise gouvernance que subit le pays».

Doutant fort que les chiffres seront divulgués, notre interlocuteur explique que «les autorités craignent d’être critiquées». Pour Ould Moussa, «tant qu’on n’arrive pas à régler la question de gouvernance, l’économie et bien d’autres secteurs seront impactés». L’expert estime que cette situation «pénalise davantage les opérateurs locaux et étrangers».

Pour le docteur en économie à l’université de Constantine, Farouk Nemouchi, ce manque de communication de la part de la banque des banques «est une action délibérée» liée au fait qu’il «n’est pas dans l’intérêt des autorités de dévoiler la situation exacte économique et monétaire dans le pays». Car selon lui, «les chiffres peuvent accentuer davantage la panique et l’inquiétude de la population, notamment en ce qui concerne l’inflation».

Affichant son étonnement quant au fait que «jusqu’à présent nous ne savons même pas comment est financé le déficit budgétaire, à part la dépréciation du dinar qui ne couvre qu’une partie de ce déficit», M. Nemouchi craint lui aussi que «cette situation de manque d’information va accentuer le manque de visibilité pour les investisseurs locaux et étrangers».

Pour le docteur en économie, cela n’est guère surprenant. «La Banque d’Algérie ne s’est d’ailleurs jamais exprimée sur les raisons du manque de liquidité qui est dû, selon lui, à la crise monétaire que traverse le pays.»

El Watan, 27 avr 2021

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