Algérie/ Un été chaud en perspective – Poussée de colère sur le front social

Fait rare, pour ne pas dire inédit ; les agents de la protection civile, communément appelés pompiers, ont organisé deux journées de protestation, le 18 et le 25 avril, sous forme de rassemblements devant les unités principales sur l’ensemble du territoire nationale. Peu habitué à ce genre d’action, ce corps constitué connu pour sa discipline et son engagement sans faille vit un grand malaise, qu’il a toujours essayé de contenir, en espérant que des solutions soient apportées aux problèmes socio-professionnels des personnels, sans que ces derniers ne soient obligés de manifester leurs revendications sur la voie publique. En vain, le manque de réaction de la part de leurs responsables ajouté à un contexte socio-économique insoutenable et à une crise sanitaire sans précédent, dont les effets démoralisateurs sont parfois dévastateurs, les ont poussé à passer à l’action, sans plus attendre.

Leurs revendications s’articulent autour de la revalorisation du salaire de base de 15 600 à 24 000 DA, et une nouvelle classification avec en prime une promotion automatique après 5 années d’expérience. Les agents de la protection civile réclament aussi le versement « dans les plus brefs délais », des 3ème et 4ème tranches de la prime Covid, qu’ils n’ont pas touchées depuis deux trimestres !

Parmi les autres revendications qu’ils ont soulevées, figurent l’allègement du volume de travail par semaine, qui a été rallongé de 80 heures supplémentaires sans indemnisation, la régularisation de leur situation vis-à-vis du service national, la réhabilitation de leurs collègues radiés ou ayant fait l’objet de mutation comme sanction disciplinaire. Il ne fallait pas plus pour faire réagir la direction générale, qui est intervenue afin d’empêcher que l’ « incendie » ne prenne des proportions incontrôlables. Elle a promis des réponses positives, sans fixer de délais.

Selon son communiqué rendu public, hier, la direction générale considère que « toutes les revendications exprimées entrent dans le cadre du statut particulier spécifique aux agents de la protection civile et seront prises en considération, l’occasion de l’ouverture du débat sur ce statut particulier ». « Toutes les catégories des travailleurs seront associées à l’enrichissement du débat sur la révision des statuts particuliers pour répondre à l’ensemble des revendications exprimées », lit-on dans le communiqué. La direction générale de la protection civile invite les agents « à faire preuve de discipline et de sens de la responsabilité et ne pas se laisser aller derrière la propagande des réseaux sociaux visant à provoquer la chaos et l’instabilité au sein de l’institution ».

L’appel de la DG sera-t-il entendu par les pompiers ? Probable, mais cela ne contribuera pas certainement au retour au calme sur l’ensemble d’un front social en ébullition. La détérioration du pouvoir d’achat, qui a été lourdement ressentie par toutes les catégories professionnelles, est une vraie bombe à retardement, qui risque d’exploser à tout moment et sans prévenir. Le personnel des hôpitaux, les travailleurs de l’éducation, les fonctionnaires de la poste, et même les hospitalo-universitaires ont tous exprimé leur ras-le-bol au vu de l’érosion continue de leur pouvoir d’achat. « Aujourd’hui, le travailleur algérien, dont l’enseignant, vit dans la pauvreté et la misère. Il y a une érosion inquiétante du pouvoir d’achat », soulève le SG du syndicat national des travailleurs de l’éducation et de la formation, prévenant contre une « explosion sociale imminente ».

Une situation plus qu’alarmante où les praticiens de la santé publique, les paramédicaux et les hospitalo-universitaires ne sont pas en reste ? « Nous sommes ici non pas pour l’argent mais pour défendre notre dignité », avait tenu à préciser le professeur Rachid Belhadj lors d’un rassemblement à l’intérieur du CHU Mustapha à Alger. « Depuis 20 ans que nous négocions. Nous avons eu des promesses et avons vu passer dix ministres de la Santé mais avec toujours les mêmes paroles », avait déploré le président du Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires.

Mohamed Mebarki

L’Est Républicain, 27 avr 2021

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