On a beau espérer que le processus de sortie de crise en Libye soit sur la bonne voie, compte tenu des résultats appréciables enregistrés, depuis la tenue du Forum de dialogue politique libyen (FDPL), en décembre, à Tunis, il y a certains indices qui disent le contraire et peuvent ne pas être trompeurs. Témoin, le report annoncé par le gouvernement Debeibah d’un Conseil des ministres, prévu à Benghazi, l’équipe sécuritaire chargée de la préparation de cet événement ayant été chassée de l’aéroport de cette ville de l’Est où le maréchal Khalifa Haftar continue de sévir.
Ce devait être, pourtant, la première réunion gouvernementale dans cette région qui, depuis 2014, conteste à celle de Tripoli l’autorité sur l’ensemble de la Libye. Ce n’est pas le seul signe d’un processus que cherchent à saborder des forces hostiles à une sortie de crise dont rêve le peuple libyen. Trois jours plus tôt, c’est la ministre des Affaires étrangères, Nejla al-Mangoush, qui s’est vu rappelée à l’ordre par le président du Haut Conseil d’Etat, Khaled al-Meshri, parce qu’elle avait mis dans le même sac les mercenaires, présents en Libye, et les forces étrangères dont certaines avaient débarqué, sur la base d’accords bilatéraux «qu’il faut respecter».
Le malaise a, bien sûr, été vite dissipé puisque la MAE a fait, aussitôt, amende honorable, assurant les institutions libyennes de son dévouement intégral. Ces deux incidents ont un mérite. Ils montrent à quel point le processus en cours demeure fragile, malgré les motifs de satisfaction glanés à Genève, et ces deux jours derniers, à Syrte où le comité militaire mixte tient une importante réunion afin d’évaluer les conditions de mise en oeuvre du mécanisme de cessez-le-feu, conclu en octobre 2020.
Curieusement, c’est du côté de ce comité militaire que les choses avancent, à la fois vite et bien, à croire qu’il y a une espèce de fatalité qui mine, quand elle ne la torpille pas, la démarche des forces politiques. Il est significatif que l’ONG Amnesty International qui révélait, hier, qu’au moins 22 personnes ont été condamnées à mort et des centaines d’autres emprisonnées après des simulacres de procès sous la bannière de l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée du maréchal Haftar. «Ce recours à des procès arbitraires permet d’instiller un climat de peur», dénonce AI qui affirme que, dans les faits, l’ANL et les milices alliées dominent, toujours, l’Est du pays, de sorte que le gouvernement Debeibah s’est vu refuser les clés de Benghazi.
L’Expression, 17 avr 2021
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