Le Maroc met la pression sur l’Espagne suite à l’hospitalisation secrète du chef du Polisario sur son sol

Incompréhension. Tel est le sentiment que le Maroc semble exprimer après la diffusion par le ministère des Affaires étrangères du Royaume Chérifien d’un communiqué qui « déplore l’attitude de l’Espagne qui accueille sur son territoire le chef des milices séparatistes su Polisario », relayé par l’agence officielle MAP. Les mots employés par le Maroc sonnent comme un avertissement à l’endroit du premier partenaire commercial du pays, après que l’Espagne ait reconnu officiellement avoir autorisé le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, à entrer sur son territoire sous une fausse identité pour être hospitalisé des suites du Covid-19.

L’argument avancé par Madrid, à savoir des raisons « humanitaires », ne semble pas convaincre le Maroc, car Brahim Ghali est poursuivi en justice par de nombreuses victimes en Espagne, et aurait donc dû, selon Rabat, être présenté devant les juges dès son arrivée sur le sol espagnol. Les chefs d’accusation portés contre lui sont particulièrement graves, notamment ceux de l’association canarienne des victimes du terrorisme. Mais pas uniquement, le chef du Polisario est également sous le coup d’une accusation de viol, dont il n’a jamais répondu devant les tribunaux espagnols.

Imbroglio diplomatique

Difficile pour le Maroc de ne pas voir derrière cet imbroglio diplomatique une volonté de Madrid de préserver ses intérêts avec l’Algérie, principal soutien du Polisario, alors même que le ministre des Affaires étrangères algérien, Sabri Boukadoum, a tenu fin mars avec son homologue espagnol un dialogue bilatéral qui a débouché sur un communiqué de Madrid affirmant que l’Algérie est « un pays voisin et ami, ainsi qu’un partenaire stratégique ». Pour le Maroc, la démarche est claire : dépendante en partie du gaz algérien, l’Espagne a accepté de fermer les yeux sur la venue du chef du Polisario pour se faire hospitaliser sur son sol, en contrepartie d’un maintien de l’approvisionnement en gaz.

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Considérant ce geste « inamical », le Maroc a donc convoqué l’ambassadeur d’Espagne à Rabat afin de lui signifier la position marocaine et de lui demander de fournir au Maroc des explications. De plus, cet incident diplomatique intervient après une montée des tensions entre Rabat et Madrid autour des présides de Ceuta et Melilla, le Maroc ayant décidé de mettre un terme fermement au commerce de contrebande, qui contribuait à faire vivre les deux localités espagnoles situées dans le nord du Royaume Chérifien. Les autorités de Ceuta et Melilla avaient alors accusé Rabat de vouloir « étouffer économiquement » les deux présides, le Maroc rétorquant qu’il ne faisait qu’appliquer la loi. L’Espagne a par la suite systématiquement mis en place des amendes exorbitantes pour les camions venant du Maroc si ces derniers étaient chargés en carburant, les obligeant à se ravitailler sur le sol espagnol, afin de réduire leur compétitivité.

Mesures de rétorsion de la part du Maroc ?

Le Maroc actionnera-t-il des mesures de rétorsion suite à ce qu’il considère comme un camouflet diplomatique ? Sur le plan économique, cela paraît possible, Madrid ayant une présence forte au Maroc et ayant ravi à la France au milieu des années 2000 la position de premier partenaire commercial. Des actions politiques sont également envisageables, des médias marocains ayant évoqué la possibilité pour le Maroc de donner l’asile au leader indépendantiste Catalan Carles Puidgemont.

Pour l’instant, Madrid tente de jouer l’apaisement, mais il n’est pas certain que le Maroc le veuille également. Depuis la reconnaissance par les Etats-Unis le 9 décembre 2020 de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental, Rabat souhaite désormais que ses grands partenaires européens sortent de l’ambiguïté sur ce dossier et affichent clairement leur soutien, d’autant plus que le Front Polisario compte de moins en moins d’alliés.

La Tribune Afrique, 25 avr 2021

Etiquettes : Maroc, Espagne, Front Polisario, Brahim Ghali, hospitalisation, crise diplomatique,

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