Au royaume chérifien, la liberté de la presse ne fait pas que battre de l’aile. Elle s’y trouve en effet à l’agonie. Et ce n’est pas là une simple formule imagée. Deux journalistes marocains arbitrairement détenus dans les geôles, et toujours en grève de la faim, seraient désormais à l’article de la mort. En effet, les proches de deux journalistes marocains en détention préventive depuis plusieurs mois s’inquiètent de leur état de santé.
Omar Radi, un militant connu pour son engagement en faveur des droits de l’homme, et Souleimane Raissouni, rédacteur en chef du journal Akhbar al-Yaoum, ont entamé une grève de la faim il y a deux semaines pour demander une libération provisoire qui leur a toujours été refusée.
« Souleimane a toujours des problèmes de santé et vu la grève de la faim qu’il a entamé depuis maintenant 16 jours, je ne sais pas s’il continue de prendre ses médicaments. La nouvelle qui nous a inquiété c’est le dernier diagnostic des médecins de la prison qui est que Souleimane a des problèmes de potassium et de calcium.
En plus Souleimane ne sortait pas de sa cellule, avant d’entamer déjà la grève de la faim. Pour Omar il a une maladie très grave, il avait des diarrhées aiguës lors de sa période d’incarcération, donc je ne sais pas s’il va tenir le coup. En tant que familles, nous sommes très très inquiets. Je ne sais pas à qui m’adresser mais j’ai toujours cette revendication que je ne cesse pas de dire et de déclarer devant tout le monde : il faut libérer Souleimane et Omar. Ils risquent leurs vies maintenant ! » l’on se trouve bel et bien en face d’un cas typique et inacceptable de non-assistance à personnes en danger.
Au Maroc, les journalistes demeurent souvent des «victimes de harcèlement judiciaire», selon le dernier classement de Reporters sans frontières (RSF) relatif à la liberté de la presse dans le monde. Reporters sans frontières note que «le déroulement des procès, la surmédiatisation et la diffamation qui accompagnent ces procès privent la victime et l’agresseur présumé de certains de leurs droits».
En matière de respect des libertés publiques et individuelles, le Maroc ne s’est jamais aussi mal porté depuis un bonne trentaine d’années. Ce qui a changé c’est l’embellissement de la façade démocratique du royaume chérifien sous le règne de Mohamed VI. Le mode opératoire a toutefois changé « grâce » au précieux concours du chef des services de renseignement et de sécurité Abdellatif Hammouchi.
Sa spécialité ? Salir la réputation de tous les journalistes ou opposants qui dérangent en fabriquant contre eux des dossiers compromettants pour les forcer au silence. S’agissant de mœurs essentiellement, ces dossiers scellent la mort politique et professionnelle des concernés. Omar Radi et Soulaimane Raissouni sont par exemple deux journalistes en grève de la faim, qui croupissent en prison depuis de nombreux mois.
Cent vingt journalistes marocains ont signé, mercredi 14 avril, une pétition dans laquelle ils expriment leur « grande inquiétude » quant au sort de MM. Radi et Raissouni et dénoncent la « violation répétée de la présomption d’innocence » et « l’impunité dont bénéficie la presse de diffamation au Maroc ».
« Cette « presse de diffamation » est représentée par des « médias » affidés aux services de sécurités et alimentés par des dossiers attentatoires et diffamatoires contre toutes les voix dissonantes qui osent remettre en cause l’ordre établi, ou même en discuter le bien-fondé. Même sous le règne de Hassan II, ce totalitarisme ambiant n’a jamais été aussi pressant et oppressant.
Le célèbre opposant et historien Maâti Moundji, maintes fois emprisonné pour ses opinions, dénonce de manière explicite ce vil mode opératoire désormais choisi par les hommes de Mohamed VI pour casser les voix dissonantes, en exerçant un vil chantage sur les journalistes et défenseurs des droits de l’Homme encore libres au Maroc.
Ali Oussi
La Patrie News, 25 avr 2021
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