« En accueillant en catimini le chef des séparatistes, les autorités espagnoles n’ont pas considéré le Maroc comme un ami », estime une source officielle marocaine
Le Maroc a convoqué, samedi 24 avril, l’ambassadeur espagnol à Rabat pour exprimer son « exaspération » suite à l’hospitalisation en Espagne du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, a appris l’AFP de source officielle.
Le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita a convoqué l’ambassadeur espagnol pour exprimer « une incompréhension et une exaspération » et « demander des explications », après l’accueil en Espagne du secrétaire général du Polisario, Brahim Ghali, a indiqué la même source.
Le ministère espagnol des Affaires Étrangères avait souligné jeudi que le chef du Polisario avait été « transféré en Espagne pour des raisons strictement humanitaires afin de recevoir des soins médicaux ».
Brahim Ghali était soigné et se rétablissait après avoir contracté le COVID-19, avaient précisé le même jour les indépendantistes sahraouis.
Dans un communiqué, la présidence de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) a assuré que son était n’était « pas inquiétant ».
Ce communiqué a été publié en réponse à un article de l’hebdomadaire français Jeune Afrique selon lequel le président de la RASD, âgé de 73 ans et souffrant d’un cancer, a été hospitalisé d’urgence le 21 avril en Espagne, à Logroño (nord), sous un nom d’emprunt algérien.
Vendredi, la cheffe de la diplomatie espagnole Arancha Gonzalez Laya a affirmé que les relations avec le Maroc ne seraient pas affectées par l’accueil du leader des indépendantistes sahraouis.
« Cela n’empêche pas et ne perturbe pas les excellentes relations que l’Espagne a avec le Maroc », avait-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse.
Le Maroc est un « partenaire privilégié » de l’Espagne « sur le plan économique, politique, migratoire, des entreprises, dans la lutte contre le changement climatique et cela ne change pas », a-t-elle ajouté.
Plainte en Espagne contre Brahim Ghali
Rabat est un allié clé de Madrid, en premier lieu dans la lutte contre l’immigration illégale. Un sommet entre les deux pays est prévu depuis des mois mais a été repoussé, officiellement en raison de la pandémie.
« En accueillant en catimini le chef des séparatistes, les autorités espagnoles n’ont pas considéré le Maroc comme un ami et un partenaire privilégié, pour reprendre les termes utilisés par Arancha González Laya », a réagi, sous le sceau de l’anonymat, un haut responsable de la diplomatie marocaine, cité par le journal Le 360.
La même source regrette « une attitude déloyale qui contredit l’esprit de partenariat et de bon voisinage entre les deux pays ».
Par ailleurs, trois Sahraouis – ayant vécu dans les camps de réfugiés de Tindouf, en Algérie qui accusent Brahim Ghali de « violation de droits humains » et de « tortures » – ont appelé samedi les autorités espagnoles à le traduire en justice, dans une vidéo relayée par des médias marocains.
Parmi eux, une femme qui a rappelé avoir déjà déposé plainte contre le chef du Polisario en Espagne.
Le Sahara occidental, classé « territoire non autonome » par les Nations unies en l’absence d’un règlement définitif, oppose depuis 45 ans le Maroc au Front Polisario, soutenu par l’Algérie.
Après presque 30 ans de cessez-le-feu, les hostilités entre Polisario et le Maroc ont repris mi-novembre après le déploiement de troupes marocaines à l’extrême sud du Sahara occidental pour déloger des indépendantistes qui bloquaient la seule route vers l’Afrique de l’Ouest.
Un chef militaire du Polisario, Addah Al-Bendir, a été tué au début du mois par une frappe de drone marocaine dans une zone sahraouie située au nord du territoire, selon le mouvement indépendantiste.
Selon le forum Far-Maroc, une page Facebook non officielle des Forces armées marocaines, Brahim Ghali était à ses côtés et « a survécu » à l’opération marocaine.
Les négociations quadripartites impliquant le Maroc, le Polisario, l’Algérie et la Mauritanie sont au point mort depuis la démission du dernier émissaire de l’ONU Horst Kohler en mai 2019.
Le Maroc veut une « autonomie sous contrôle » du territoire tandis que le Polisario réclame un référendum d’autodétermination.
Dans sa dernière résolution publiée en octobre 2020, le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé les parties prenantes à la reprise des négociations « en vue de parvenir à une solution politique juste » pour « l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
Middle East Eye, 25 avr 2021
Etiquettes : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, Brahim Ghali, Espagne, hospitalisation,