Pour restituer les fonds détournés, un chef de parti propose – Un deal entre l’Etat et les patrons incarcérés
La récupération des fonds détournés par les nombreux affairistes grâce à la grande complicité des puissants clans qui s’étaient emparés du pouvoir après 2013, et qui sont aujourd’hui en prison, fait fantasmer. Le premier, du moins l’un des premiers hommes politiques à avoir abordé le sujet est Abdelmadjid Tebboune, lors de la campagne pour les élections présidentielles du 12/12/2019.
Alors, libéré de toute obligation de réserve, il avait affirmé savoir où était planqué l’argent volé et qu’il était en mesure de le récupérer. Elu président de la République, sa fonction lui avait imposé une conduite plus réaliste, en admettant toute la complexité de ce dossier.
En avril dernier, il avait reconnu que la récupération de ces fonds détournés était tributaire par le prononcé de jugements définitifs dans les affaires intentées à l’encontre des auteurs, affirmant que des sociétés européennes étaient impliquées et que les fonds ont été investis en Europe.
En un mot, la récupération de cet argent volé a tendance à devenir presque une mission impossible, et la vaste opération anti-corruption lancée après la chute du président Abdelaziz Bouteflika sous la pression du Hirak, pourrait prendre des années, sans que la récupération des biens détournés ne soit garantie à 100%. Ça se passe comme ça en Occident, pas chez Mac Donald, mais chez tous les capitalistes occidentaux qui ont profité de cette manne, loin des principes qu’ils prétendent défendre.
La mise à sac de l’Algérie n’a pas été uniquement le fait des affairistes et des responsables politiques emprisonnés. D’autres personnalités y sont impliquées, pour ne citer que Chakib Khelil, Abdelmoumen Ould Kaddour et Abdelkader Bouazgui, ancien wali et ministre de l’Agriculture, et tant d’autres, qui sont actuellement réfugiés à l’étranger.
Le désastre causé à l’Algérie est inestimable et les chances de rapatrier ne serait-ce qu’une infime partie du trésor parait irréaliste ! Le pays n’a qu’à enterrer ce dossier et faire son deuil ! Mais Abdelaziz Belaid, président du Front Al Moustakbal et candidat malheureux à la présidentielle du 12/12/2019 ne semble pas partager cet avis résigné. L’ancien militant du FLN et disciple de Benflis veut s’inspirer de Bouteflika et de sa concorde civile, une sorte de grâce amnistiante.
Selon ces déclarations faites à la télévision d’Etat, la seule manière pour récupérer ces fortunes réside dans « la réconciliation avec les patrons incarcérés ». « C’est une réconciliation qui est dans l’intérêt de l’Algérie et de son économie », a-t-il justifié, avançant que « demander des comptes aux hommes d’affaires et aux cadres impliqués dans des affaires de corruption prendra beaucoup de temps et les procès vont durer, et cela ne sert personne ». L’Algérie a déjà pardonné à des terroristes, qui ont « tué et égorgé des gens », a-t-il rappelé.
Selon lui, rien n’empêche une telle procédure, qui est « dans l’intérêt de l’Algérie et de l’économie nationale ». « Cette réconciliation va permettre la création d’emplois pour les jeunes chômeurs », a-t-il estimé. « Il faut une réconciliation nationale, tourner la page et aller de l’avant. Nos enfants sont tous des chômeurs, ils sont dans le besoin », a-t-il soutenu, proposant une adaptation des lois et la mise en place de mécanismes permettant de «négocier avec les hommes d’affaires incarcérés pour récupérer les fonds détournés, en échange par exemple de réduction de peines ». « Cette pratique existe dans plusieurs pays », a-t-il dit sans citer le moindre exemple, se limitant à réduire les problèmes de l’Algérie à la seule façon de « récupérer ces fonds pour relancer l’économie ».
Mohamed M.
L’Est Républicain, 25 avr 2021
Etiquettes : Algérie, fonds détournés, Chakib Khelil, Abdelmoumen Ould Kaddour, Abdelkader Bouazgui, Abdelkader Belaid,