Consommation trop élevée
Les stocks mondiaux de phosphore s’amenuisent et les prix sont susceptibles d’augmenter. Il existe toutefois des moyens de récupérer ce nutriment à partir des boues d’épuration, du lisier ou du digestat.
Une partie du phosphore nécessaire à la fertilisation est appliquée sur les terres par le biais du fumier agricole, tandis que le reste est acheté par les agriculteurs qui utilisent du phosphore produit synthétiquement ou des engrais complexes.
L’Institut fédéral de l’agriculture (BLE) nous informe que la majeure partie du phosphate brut provient de gisements situés hors d’Europe, qui sont exploités dans des mines à ciel ouvert. Dans le monde, seuls cinq pays possèdent 85 % des réserves de phosphate connues : il s’agit du Maroc, y compris le Sahara occidental, de la Chine, de l’Algérie, de la Syrie, du Brésil et de l’Afrique du Sud.
Le Maroc possède de loin les stocks les plus importants, avec près des trois quarts des réserves mondiales. Cependant, les réserves de phosphate dans ces gisements sont limitées. Selon diverses estimations, les réserves mondiales dureront encore environ 300 ans, si nous continuons à consommer autant de phosphate qu’aujourd’hui.
Les prix sont susceptibles d’augmenter
Selon le BLE, la raréfaction des réserves de phosphate aura pour conséquence que le phosphate restant deviendra de plus en plus cher à moyen et long terme. Le phosphore figure depuis plusieurs années sur la liste des matières premières critiques.
Il est donc urgent de conserver les réserves de phosphate existantes, c’est-à-dire d’utiliser le phosphore avec plus de parcimonie, indique le rapport. En outre, il est important de fermer les cycles des nutriments et de récupérer le phosphore inutilisé des déchets et des sous-produits. Il existe aujourd’hui de nombreuses approches intéressantes à cet égard. Certains en sont encore à leurs débuts, d’autres ont déjà atteint la maturité du marché.
Selon l’Agence fédérale pour l’environnement, les concentrations de phosphore sont trop élevées dans près de deux tiers des eaux libres en Allemagne. Un excès de phosphore déséquilibre les écosystèmes aquatiques et entraîne une eutrophisation. Les conséquences sont une croissance néfaste des algues et des plantes aquatiques, une diminution de la biodiversité, un manque d’oxygène, voire la mortalité des poissons.
Récupération du phosphore à partir des boues d’épuration
Depuis de nombreuses années, l’utilisation des boues d’épuration est une approche permettant de restituer aux terres agricoles les nutriments inutilisés provenant des eaux usées municipales. Toutefois, on n’a pas suffisamment tenu compte du fait que les boues d’épuration contiennent des quantités considérables de polluants tels que des métaux lourds, des résidus pharmaceutiques et des résidus de plastique, qui se retrouvent ainsi dans le sol, explique encore le BLE.
C’est pourquoi, il y a quelques années, l’utilisation des boues d’épuration comme engrais en Allemagne a été fortement réduite. En 2019, environ un quart des boues d’épuration produites étaient encore utilisées comme matériau, 17% comme engrais dans l’agriculture. Dans les grandes stations d’épuration (> 50 000 habitants), cela doit prendre fin au plus tard en 2032. Le recyclage des boues d’épuration ne sera alors autorisé que dans les petites installations (< 50 000 habitants), c’est-à-dire principalement dans les régions rurales.
Pour que les précieux éléments nutritifs contenus dans les boues d’épuration soient néanmoins conservés dans le cycle, les boues d’épuration contenant plus de 20 grammes de phosphore par kilogramme de matière sèche et les cendres d’incinération des boues d’épuration devront à l’avenir être soumises à une récupération du phosphore. C’est ce que stipule l’ordonnance sur les boues d’épuration, qui a été modifiée en 2017.
Depuis de nombreuses années, de nombreux essais sont en cours pour tester des techniques adaptées à la récupération du phosphore dans les eaux usées municipales. Un procédé prometteur, qui est maintenant également utilisé dans la pratique à l’échelle industrielle, consiste à récupérer le phosphore des eaux de boues ou des boues digérées sous la forme de struvite (phosphate d’ammonium et de magnésium). Il peut être utilisé comme engrais.
Une autre possibilité de récupération du phosphore, qui peut également être mise en œuvre à grande échelle, est l’incinération des boues d’épuration en cendres. Comme les cendres pures ne peuvent pas être utilisées directement comme engrais en raison de leur faible disponibilité en nutriments et de leur forte teneur en polluants, elles sont traitées ultérieurement par divers procédés.
Le phosphore recyclé est-il déjà disponible sur le marché ?
Selon la plate-forme allemande sur le phosphore, les engrais phosphorés recyclés sont déjà disponibles, mais pas encore en grandes quantités. Toutefois, à mesure que la mise en œuvre de la récupération du phosphore progresse, on peut s’attendre à ce que l’offre de phosphore recyclé augmente dans un avenir prévisible.
Récupération du phosphore par le traitement du lisier et des résidus de fermentation
Le traitement des boues, tel que le procédé BioEcoSIM mis au point par l’Institut Fraunhofer d’ingénierie interfaciale et de biotechnologie (IGB), serait également intéressant. Dans ce procédé, le lisier et les résidus de fermentation sont traités de manière à obtenir des produits facilement utilisables tels que des sels de phosphore, des engrais azotés (solution de sulfate d’ammonium) et des matières organiques pauvres en nutriments. Ce dernier peut être utilisé comme un additif de sol neutre pour l’accumulation d’humus, explique l’Institut fédéral.
Dans les installations d’essai de l’Institut Fraunhofer, il a été possible d’obtenir 7 kg de sels de phosphate, 21 kg de sulfate d’ammonium et 83 kg de solides organiques à partir de 1,2 t de fumier liquide. Cela signifie que 90 % du phosphore et de l’azote contenus dans le lisier sont recyclés.
Le potentiel d’économie des engrais de synthèse est important : selon l’Institut Fraunhofer, 14 000 t de sels de phosphate pourraient être récupérées à partir du traitement de 2 millions de t de lisier. Cela représenterait 9 % du phosphore minéral importé en Allemagne chaque année.
La licence du procédé BioEcoSIM a été acquise par une entreprise allemande d’élimination des déchets, qui construit actuellement des installations à grande échelle dans des régions où le bétail est nombreux.
Augmenter l’efficacité du phosphore
Le vrai dilemme du phosphore dans les sols est qu’il est chimiquement très fortement lié et n’est donc pas disponible pour les plantes. C’est pourquoi les cultures arables doivent être fertilisées avec de si grandes quantités de phosphore.
Afin de mieux utiliser le phosphore qui est fertilisé et celui qui est présent dans le sol sous forme liée, il existe différentes mesures de culture et de fertilisation des plantes qui sont déjà appliquées aujourd’hui. Il s’agit par exemple d’un chaulage régulier pour atteindre une valeur de pH optimale du sol, d’un meilleur apport d’humus ou de la culture de plantes cultivées et de cultures dérobées avec un système racinaire intensif et profond.
La fertilisation placée des engrais minéraux phosphorés est également une méthode possible pour augmenter l’efficacité. C’est déjà une pratique courante pour le maïs – sous forme de fertilisation sous le pied – mais elle est encore peu utilisée pour les autres cultures.
Comme pour le recyclage du phosphore, de nombreuses recherches sont actuellement menées dans le domaine de l’amélioration de l’efficacité du phosphore. Il existe également un potentiel dans la sélection de variétés qui présentent une meilleure acquisition, absorption et utilisation du phosphore.
Fertilisation au silicium et économie d’engrais phosphorés
Une équipe interdisciplinaire de chercheurs de l’université de Bayreuth et de l’université de Copenhague a découvert que le phosphore qui est solidement fixé dans le sol peut être rendu à nouveau disponible par une fertilisation ciblée en silicium. Le silicium mobilise le phosphore lié au fer afin qu’il puisse être absorbé par les racines des plantes.
Selon les scientifiques, si les agriculteurs ajoutent des quantités précisément dosées de silicium à leurs sols, ils pourraient se passer d’engrais contenant du phosphore pendant un certain temps – peut-être même pendant plusieurs années – sans aucune perte de récolte.
Les composés de silicium peuvent également stocker d’énormes quantités d’eau dans le sol.
Important : le silicium doit être dosé très précisément, car une trop grande quantité de silicium peut libérer de grandes quantités de nutriments en peu de temps. Dans le pire des cas, les nutriments sont alors emportés par les eaux et se retrouvent dans les eaux de surface.
TopAgrar, 22 avr 2021
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