Par Mohamed Habili
Deux de nos voisins, la Tunisie et la Libye, traversent chacun une crise politique dont il n’est pas facile de voir comment il pourrait sortir dans une perspective rapprochée. Ces crises semblent n’avoir rien de commun, bien qu’elles remontent à un même bouleversement régional, baptisé le Printemps arabe. L’une d’elles, la libyenne, se donne pour nettement plus compliquée que l’autre, alors même qu’elle est censée être d’ores et déjà engagée dans la voie de la résolution. En principe, elle devrait être terminée dans les tout derniers jours de l’année en cours. Si tout se passait comme prévu, mais aussi comme convenu entre les parties concernées, libyennes et non libyennes, elle devrait avoir connu son épilogue avant que cette année ne se soit entièrement achevée. En effet, les élections marquant sa fin sont programmées pour le 24 décembre prochain.
Contrairement à la crise tunisienne, qui elle n’a pas de limite temporelle se profilant nettement à l’horizon, la crise libyenne est soit résolue dans les délais prescrits soit relancée pour une durée indéterminée. Il suffirait d’attendre la fin de l’année pour savoir quel sort serait le sien : son dépassement ou son renouvellement. Nul repère temporel de cette nature dans le cas de la crise tunisienne en revanche, l’Assemblée et le président ayant été en effet élus à peu de distance l’une de l’autre. Tout ce que l’on sait sur sa durée, c’est qu’elle devra avoir pris fin au terme des deux mandats, le dernier trimestre de 2024.
Pour autant bien sûr que nul bouleversement majeur ne se soit produit entre-temps. Si la Constitution tunisienne était ou entièrement parlementaire ou entièrement présidentielle, il aurait été facile d’en sortir. Une simple dissolution aurait suffi. Il se trouve que le président tunisien ne peut pas dissoudre, du moins dans la situation qui est la sienne aujourd’hui. Par ailleurs, il n’est pas possible de le destituer, ce qui aurait aussi constitué une solution au blocage actuel. Si le président Saïed disposait de l’arme de la dissolution, il s’en servirait sûrement.
De son côté si l’Assemblée dominée par Ennahdha pouvait le destituer, nul doute qu’elle le ferait. La dissolution comme la destitution étant deux issues impraticables dans le cas présent, bien que l’une et l’autre soient prévues dans le texte constitutionnel, seul le coup de force semble pouvoir débloquer la situation. C’est à cela que semble d’ailleurs tendre le président Saïed en déclarant, ce qu’il a fait il y a quelques jours, qu’il était de par la Constitution le chef de toutes les forces armées, militaires et civiles, pas seulement donc de l’armée. En règle générale, quand on en vient à ce genre de mise au point, c’est qu’on se prépare à passer à l’acte.
Si les forces armées sont d’avis qu’il importe par-dessus tout de sortir de l’impasse actuelle, elles se rangeront le moment venu du même côté que le chef de l’Etat. Les forces armées civiles aussi dans ce même cas de figure. Il suffirait de peu de chose pour que ce qui paraîtrait un coup de force pour les uns, un juste rétablissement de la légalité pour les autres, advienne : que le président désigne un ministre de l’Intérieur, une fonction occupée d’après lui indûment par le chef du gouvernement, Hichem Mechichi. Voilà une autre différence entre les deux crises libyenne et tunisienne : celle des deux qui à première vue semblait être le moins pressée par le temps est en réalité celle qui risque le moins de tirer en longueur.
Le Jour d’Algérie, 23 avr 2021
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