L’avenir du couple Algérie-France a longtemps été joué à pile ou face. Durant presque 60 ans, ce ménage a connu des bons et des mauvais jours aussi. Aujourd’hui, plus que jamais, la question ressurgit comme une ritournelle. On échange, on débat, on communique, on promet aussi, mais sans jamais réaliser ce pari sur l’avenir tant attendu! Chaque événement, chaque date historique, devient un motif pour annoncer en fanfare un nouveau départ.
Dans quelques jours, l’Algérie célébrera les massacres du 8 Mai 1945 commis par l’armée coloniale à Sétif, Guelma et Kherrata. Une commémoration qui remettra le curseur des relations algéro-françaises à la sensible case de la mémoire, après la poussée de fièvre induite par le report, sine die, du déplacement du Premier ministre Jean Castex, à Alger, qui est retombée. Le ton est désormais à l’apaisement après cet «incident» qui a failli insidieusement instiller le doute au coeur d’une relation que les deux présidents voulaient saine et exemplaire. Pourquoi le prochain recueillement de ce 8 Mai 2021, ne sera-t-il pas un moment opportun pour extraire cette relation « si compliquée» du cambouis dans lequel veulent la plonger des lobbys de l’extrême droite française, toujours hantés par le fantôme de l’Algérie coloniale, mais aussi des islamistes algériens qui excellent dans l’art de dénigrer la France à tout-va? Tant en France qu’en Algérie, des personnalités politiques d’une certaine opposition et des ministres déconnectés de la réalité nationale continuent de se tirer dessus à boulets rouges. Du côté algérien, les choses sont pourtant bien claires s’agissant du dossier des affaires étrangères, qui a toujours été le domaine réservé du chef de l’Etat. Mieux encore, la Constitution de 2020, avalisée par référendum populaire, ne renforce-t-elle pas ce privilège quand elle stipule dans son article 91: «Outre les pouvoirs que lui confèrent expressément d’autres dispositions de la Constitution, le président de la République jouit des pouvoirs et prérogatives suivants: il arrête et conduit la politique extérieure de la nation.». Il est l’expression directe de la volonté du peuple algérien.
En plus de ces officiels entraînés dans cette «bataille» inutile, on mobilise d’autres moyens pour torpiller cette dynamique de rapprochement entre les deux présidents. Les réseaux sociaux qui s’attaquent à notre pays constituent le ramassis de la société dans lequel s’entremêlent les aigris de l’Algérie française, les revanchards et les haineux d’un passé à jamais révolu.
Le mensonge organisé
On est tombé en plein dans le mensonge organisé. Peut-on bâtir un quelconque projet viable de partenariat, d’alliance, basé sur l’imposture? L’on apprend, de sources autorisées, qu’Alger et Paris sont déterminés à en finir avec cette logique mortifère qui pollue les relations entre les deux pays. «Ce n’est pas aux férus des islamistes affiliés à Istanbul comme ce n’est pas à certaines officines affiliées à des lobbys pro-marocains de dicter la politique étrangère de la France et celle de l’Algérie», soulignent, à ce propos, les mêmes sources ajoutant que d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée, on ne peut que se féliciter de cet exemple d’une parfaite entente entre les deux présidents, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, qui, par leur farouche détermination, sont décidés plus que jamais à ouvrir une nouvelle page. Ils s’emploient ainsi à accélérer ce processus de resserrement des liens et de partenariat. Cette exemplarité entre les deux chefs d’Etat ne doit-elle pas inspirer les élites politiques, économiques et culturelles des deux pays? Alger en est convaincu que le rôle que devaient jouer les élites sera en effet déterminant pour la suite de ce chantier ambitieux entamé par Macron et Tebboune. Le temps est venu pour que ces élites s’assument face aux exigences de l’Histoire. Elles doivent saisir au vol cette chance «encore historique».
Le président Chirac à Bab El Oued
Il y a très longtemps que le général de Gaulle a posé le fameux postulat selon lequel entre les nations « il n’y a pas d’amitié, il n’y a que des intérêts». Mais faut-il encore croire, aujourd’hui, que le facteur de l’amitié ne peut être qu’un adjuvant à un partenariat sérieux et ambitieux? Soit, mais couplés à une solidarité agissante, ces rapports iraient encore mieux face aux aléas de la vie. Que ce soit dans des épreuves, des catastrophes naturelles et des pandémies, l’instinct de solidarité doit prévaloir entre les deux pays. Rappelons-nous du triomphal accueil réservé par des dizaines de milliers d’Algériens au président Chirac en 2001 quand il s’est rendu au quartier de Bab El Oued meurtri par de terribles inondations. Scrutant avec beaucoup d’attention les rapports, les observateurs les plus sagaces aiment souvent répéter que les relations algéro-françaises peuvent être «bonnes ou mauvaises, mais jamais quelconques». La raison? Parce que la densité des relations humaines entre les deux pays est sans équivalent dans le monde. La forte diaspora algérienne installée en France et les binationaux constituent une communauté de près de 10 millions de personnes ayant un lien direct ou indirect avec l’Algérie. À ce capital humain, s’ajoute le partage d’une langue, d’une culture, d’une Histoire et d’une proximité géographique. Il n’y a pas que ça: n’oublions pas que le sang des centaines de milliers d’Algériens a arrosé le sol de la France pour assumer la défense de son honneur et de sa dignité durant la Grande Guerre (1914-1918) et pendant la Seconde Guerre mondiale. Est-il raisonnable de sacrifier «un pareil trésor» et d’hypothéquer l’avenir des générations futures? Pour nous, la France est un partenaire qui compte sur la scène internationale. Sa présence au FMI, au Conseil de sécurité de l’ONU, son rôle de locomotive à l’Union européenne suffisent à faire d’elle un partenaire fiable et incontournable.
Puisque la volonté politique existe au niveau des plus hautes autorités, qu’est-ce qui empêcherait Alger et Paris de calquer cette relation sur le modèle franco-allemand? En dépit d’un passif fait de guerres atroces, de haine et de rivières de sang, la France et l’Allemagne ont quand même fini par se réconcilier. Ce rapprochement porte l’ADN de deux hommes: Konrad Adenauer et Charles de Gaulle. Aujourd’hui, Alger et Paris peuvent, à leur tour, rééditer l’Histoire. Un beau terreau n’existe-t-il pas entre deux hommes déterminés? Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron. Investisseurs, agents économiques, influenceurs, hommes politiques, universitaires, toute cette élite représente un capital inestimable pour assurer le relais de cette opportunité que leur offrent les deux présidents. Cette gageure n’est point impossible.
Tant Tebboune que Macron misent, tous les deux, sur le rôle des élites.
L’Expression, 22 avr 2021
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