Idriss Deby Itno : comprendre la situation au Tchad suite au décès du président

L’armée tchadienne annonce que le président Idriss Deby est décédé des suites de blessures subies lors de combats sur la ligne de front.

L’annonce a été faite à la télévision tchadienne par Azem Bernandoa, le porte-parole de l’armée tchadienne. Il était entouré d’un groupe d’officiers militaires qu’il a appelé le Conseil national de transition.

« Le président de la République, chef de l’Etat, chef suprême des armées, Idriss Deby Itno, vient de donner son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien, le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad Idriss Deby Itno », a lu le porte-parole.

Le président tchadien Idriss Deby est décédé ce lundi des suites des blessures reçues alors qu’il rendait visite à ses troupes sur la ligne de front de la lutte contre les rebelles du Nord, selon l’armée.

« Un appel au dialogue et à la paix est lancé à tous les tchadiens de l’intérieur comme de l’extérieur pour continuer à construire ensemble le Tchad. Le Conseil militaire de transition rassure le peuple tchadien que toutes les dispositions sont prises pour garantir la paix, la sécurité et l’ordre Républicain », a ajouté le porte-parole.

Feu le président Deby Itno avait été officiellement donné vainqueur du scrutin presidentiel du 11 avril ce mardi par la Commission électorale nationale indépendante avec 79,32% des voix. Il devait effectuer un sixième mandat.

Il combattait les forces rebelles qui ont lancé un assaut sur la capitale N’Djamena.

Idriss Deby s’était présenté sur un programme de paix et d’unité, mais le pays était confronté à une insurrection armée. Des rebelles se faisant appeler le Front de l’alternance et de la concorde, FACT, luttent pour renverser M. Deby.

Le gouvernement a affirmé lundi qu’il avait arrêté plus de 300 assaillants, alors que la panique s’était emparée de la capitale N’Djamenda, où les magasins, les boutiques et les maisons ont été vidés.

Que se passe-t-il ensuite ?

Le conseil militaire de transition (CMT) a pris les commandes du pays avec à sa tête le fils du président défunt, Mahamat Idriss Déby, âgé de 38 ans, général de son état. Il a été nommé président par intérim.

Dans un décret qu’il a signé ce mardi, il a nommé les 15 généraux qui composent le CMT.

Cet organe, qui suspend la Constitution, va assurer les affaires courantes pendant 18 mois. Le gouvernement et l’Assemblée nationale ont été dissous. Les militaires ont appelé au dialogue national et promis une transition démocratique au bout de ces 18 mois.

Le Conseil a promis l’adoption d’une Charte de transition et a pris certaines mesures dont un cessez-le-feu, un couvre-feu national qui sera instauré de 18h00 à 05h00, ainsi que la fermeture des frontières aériennes jusqu’à nouvel ordre et un deuil national de 14 jours.

Internet est coupé dans le pays.

Idriss Deby Itno sera inhumé ce vendredi 23 avril dans son village d’Amdjarass, dans l’intimité familiale.

Que prévoit la constitution tchadienne en cas de décès du président ?

Pour le Dr Evariste Ngarlem Toldé, doyen de la faculté des sciences juridiques et économiques a Université de Ndjamena, il s’agit d’un « coup d’Etat ».

« Le conseil militaire de transition n’est pas prévu par les textes donc c’est un régime anti-constitutionnel. Notre loi fondamentale prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, c’est le président de l’assemblée nationale qui doit assurer l’intérim jusqu’aux nouvelles élections. Donc ce conseil militaire de transition n’a pas sa place. Pour moi, c’est un coup d’Etat », estime-t-il.

Qu’est-ce qu’Idriss Deby faisait au front ?

Le Maréchal Itno s’était déplacé à la tête de l’armée dans le Nord du Tchad pour combattre les éléments du FACT. Il aurait été blessé lors des combats. Militaire de carrière, le président du Tchad participait souvent aux combats.

« Il avait l’habitude d’aller sur le terrain. S’il a été élevé le 11 août au grade de Maréchal c’est parce qu’il a combattu Boko Haram », confirme le Dr Evariste Ngarlem Toldé.

« J’avais dit qu’un chef de l’Etat n’est pas appelé à aller sur le théâtre des opérations, alors qu’on a des ministres de la Défense, des chefs d’Etat-major, qu’on a formé des généraux, aujourd’hui voilà les conséquences », déplore l’analyste.

Quelle est l’ambiance actuelle à N’Djamena?

Depuis de matin les rues sont désertes. Les chars stationnés devant les point stratégiques de la capitale depuis ce lundi sont toujours en faction.

Notre correspondant à Ndjamena a pu observer des habitants faisant le choix de quitter la ville, d’autres se sont rués vers les stations d’essence.

« C’est un saut dans l’inconnu, les gens sont dans l’expectative, certains sont rentrés précipitamment chez eux, on ne comprend pas bien ce qui se passe de part et d’autre. Il y a une certaine fébrilité, beaucoup attendent tranquillement chez eux que les choses soient plus claires », témoigne le Dr Toldé joint au téléphone.

BBC News, 20 avr 2021

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