Alors que le Front de libération national kanak a obtenu la majorité au sein du gouvernement de l’île, ses leaders se déchirent sur des questions de gouvernance.
Les indépendantistes kanaks sont divisés sur des questions de personnes et leurs visions de la souveraineté, alors qu’un troisième référendum sur l’indépendance se tiendra avant octobre 2022 en Nouvelle-Calédonie. À l’invitation du Premier ministre Jean Castex, plusieurs dirigeants calédoniens indépendantistes et non indépendantistes doivent se rendre à Paris du 25 mai au 3 juin « pour parler de l’avenir » et tenter d’éclairer les conséquences du oui ou du non à l’indépendance.
Pour la première fois depuis l’accord de Nouméa (1998), le FLNKS (Front de libération national kanak socialiste) a obtenu la majorité au sein du gouvernement collégial, lors de l’élection du 17 février. Le scrutin avait lieu après la chute du gouvernement présidé par le loyaliste Thierry Santa, en raison de la démission en bloc des « ministres » indépendantistes.
Mais depuis, l’exécutif élu ne peut entrer en fonction car les deux branches majoritaires du FLNKS se disputent sa présidence. L’Union calédonienne (UC) soutient la candidature de Samuel Hnepeune, 60 ans, ancien président du Medef hors du sérail politique, tandis que l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) pousse Louis Mapou, 62 ans, figure de la lutte kanak et actuel président de groupe au Congrès. Les discussions voient se heurter la ligne « pragmatique » et plus libérale de l’UC à celle collectiviste et marquée à gauche de l’UNI, dans un contexte économique déprimé qui nécessite des réformes structurelles.
À cause de retards pris par l’équipe sortante puis d’absence de gouvernement de plein exercice, l’État a pris la main sur le budget 2021 le 1er avril, pour la première fois depuis des décennies. Il sera soumis pour avis à l’exécutif dans les semaines à venir.
Deux visions opposées
Mais le véritable enjeu pour le FLNKS est celui de l’après-accord de Nouméa. Signé en 1998, il organise la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie, au travers d’un transfert progressif de compétences de l’État aux pouvoirs locaux, et prend fin avec trois scrutins d’autodétermination. Les 4 novembre 1998 et 4 octobre 2020, les électeurs inscrits sur une « liste électorale spéciale » ont rejeté l’indépendance à 56,7 % puis à 53,3 %. Début avril, les deux groupes indépendantistes au Congrès ont officiellement demandé à l’État d’organiser le troisième et dernier référendum de cette décolonisation inédite dans l’histoire de France.
L’enjeu est d’autant plus crucial que les deux courants ne partagent pas la même vision. La date même du référendum provoque un débat. « On veut se donner assez de temps pour faire une bonne campagne. Le mieux est le plus tard possible, en septembre-octobre 2022 », préconise Daniel Goa, président de l’Union Calédonienne. Au contraire, l’UNI, qui craint une victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle, souhaite que le scrutin se tienne dès octobre 2021.
L’UC mise sur une victoire du oui pour ensuite négocier avec la France « d’égal à égal » « des interdépendances », tandis que l’UNI a déjà opté pour « l’indépendance avec partenariat ».
Sud Ouest, 20 avr 2021
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