Polémique en Algérie après les propos d’un imam sur les restrictions imposées aux mosquées

En quelques heures, un prêche religieux est devenu une affaire politique. En plein mois du ramadan, un imam algérien a été suspendu après sa critique du traitement imposé aux mosquées pour lutter contre le Covid-19. Dénonciation d’une injustice ou discours extrémiste ?

“Le verbe haut, la voix porteuse, quelque peu dépité”, le 15 avril, depuis sa mosquée sur les hauteurs d’Alger, cet imam a donné des airs de tribune politique à son prêche religieux, rapporte le quotidien algérien Liberté.

Après avoir été massivement relayée sur les réseaux sociaux, son intervention a été suivie d’une double polémique. En effet, ses critiques ouvertes ont été perçues comme un affront par le gouvernement, et ses propos teintés de sexisme ont suscité une levée de boucliers d’une partie de la société civile. L’imam a été suspendu de prêche par le ministère des Affaires religieuses. Simple volonté d’étouffement des critiques ou intransigeance face à des propos polémiques ?

À l’origine, ce sont les restrictions jugées “sélectives” dans la lutte contre le Covid-19 que critique l’homme. Pour cet “imam rebelle”, le traitement réservé aux fidèles dans les mosquées est injuste, relève l’Expression. En effet, en plein mois de ramadan, les espaces d’ablutions sont fermés, et d’autres conditions strictes sont à respecter pour se rendre sur ces lieux de culte. L’homme ne cache pas son exaspération et ironise :

Le comité scientifique a découvert que le virus corona est un virus musulman. Il n’est présent que dans les mosquées. Il ne va nulle part, à part les mosquées.”

Des propos misogynes

Et les coupables sont nommés. L’homme est vent debout contre le ministère des Affaires religieuses et le Comité scientifique pour ce qu’il estime être une gestion de crise à plusieurs vitesses. Un traitement deux poids, deux mesures. Il faut dire que plusieurs lieux et évènements publics n’ont pas eu à observer de consignes aussi strictes que les mosquées. C’est le cas des rassemblements du Hirak, des marchés, des cafés et même… des rassemblements du 8 mars pour la journée internationale des droits des femmes.

Alors que les femmes algériennes croyantes et voilées ne peuvent accéder à leur lieu de culte, “le 8 mars, on a vu des centaines de femmes en tenue légère (sans voile islamique) dansant, s’entrelaçant, et personne n’a trouvé à y redire”, continue l’homme. Des “propos misogynes, désobligeants et insultants envers les femmes”, déplore cet éditorialiste de l’Expression.

Ces déclarations concernant les femmes, empreintes d’un “langage salafiste”, sont loin d’être anodines, et ont remis au cœur du débat public l’une des fractures profondes de la société algérienne, estime Liberté. Les partis islamistes n’ont pour leur part pas manqué d’appuyer le jeune imam. Pour eux, rien ne justifie le sort réservé à la maison de Dieu et à ses leaders.
Pauline Le Troquier

Courrier International, 19 avr 2021

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