Algérie / L’épreuve (Edito de Liberté)

Devenu un rituel, synonyme d’attachement viscéral de la population à la cause identitaire et démocratique, la Kabylie a de nouveau rendez-vous avec la double célébration du Printemps berbère de 1980 et des événements du “Printemps noir” de 2001. Une des principales séquences historiques dans l’évolution politique de l’Algérie d’après-guerre, le printemps d’Avril 1980, survenu après l’interdiction d’une conférence du célèbre écrivain Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne, a sans doute posé les jalons d’un processus de lutte, toujours en cours, en faveur de l’émancipation du peuple algérien de l’emprise d’un système autoritaire, négateur, prédateur et mystificateur.

Un système qui non seulement a confisqué l’indépendance du pays, mais encore s’est appuyé sur un socle idéologique d’emprunt ignorant et combattant même la diversité culturelle et le pluralisme qui caractérisent la société algérienne. De par sa singularité, les idées qu’il a pu développer, la question des libertés démocratiques qu’il a inscrite dans son combat, le rôle de son élite et de l’université de façon générale, on peut dire sans risque de se tromper que le mouvement d’Avril 1980 a eu une incidence majeure sur le cheminement politique de l’Algérie. Et au-delà des acquis arrachés grâce à la constance et à la détermination de militants à la foi inébranlable, dont l’avancée de la cause identitaire n’est pas des moindres, au prix même de sacrifices suprêmes comme ceux de ces 126 victimes tombées en 2001, crime resté impuni, le mouvement a imprégné par bien des aspects la dynamique populaire qui s’exprime depuis février 2019 en faveur du changement.

De nombreuses similitudes caractérisent, en effet, les deux mouvements : pacifisme, revendications démocratiques et adhésion de la population. Mais bien plus, le fait amazigh est sorti du carcan régionaliste dans lequel le pouvoir a tenté de le confiner, comme en témoigne la tentative de manipulation autour de l’emblème, vite déjouée par le mouvement populaire. Reste qu’au regard du désastre idéologique et des résistances d’un système réfractaire au changement et incapable d’assumer ses échecs, le chemin est encore long pour la consécration effective de la diversité culturelle et de la pluralité, loin du folklore et des faux-semblants. Une perspective tributaire de l’aboutissement du combat démocratique. Autant dire, une grande épreuve.

Liberté, 19 avr 2021

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