Caractéristique majeure des élections législatives anticipées du 12 juin prochain, la prédominance des listes indépendantes sur celles partisanes.
M. Kebci – Alger (Le Soir) – C’est, du moins, ce qui ressort du rapport d’étape présenté récemment par le président de l’Autorité nationale indépendante des élections concernant l’opération de retrait des souscriptions des électeurs comme exigé par la toute nouvelle loi portant code électoral. Jusqu’à il y a une dizaine de jours de cela, il y avait 2 898 listes indépendantes contre 1 755 listes partisanes à solliciter les services des délégations de l’Anie au niveau de toutes les 62 circonscriptions électorales (58 à l’intérieur du pays et 4 au sein de la communauté nationale établie à l’étranger).
Un boom des candidatures indépendantes encouragé par l’orientation donnée par le chef de l’État à sa démarche basée sur la société civile, dans ses divers segments à l’effet de l’amener à s’impliquer activement dans la scène politique nationale et à investir donc, les institutions élues. Et les dispositions facilitatrices contenues dans la nouvelle loi portant code électoral à l’endroit, notamment des jeunes désireux de se lancer dans l’aventure électorale sont pour beaucoup dans cette frénésie des listes électorales indépendante.
Une frénésie qui contraste mal avec le contexte général du pays frappé du sceau d’une indifférence palpable à l’égard de tout ce qui sent la chose politique, les taux élevés d’abstention enregistrés lors de l’élection présidentielle du 12 décembre 2020 et du référendum du 1er novembre dernier portant sur le projet de la nouvelle Constitution étant là pour le prouver. Une plongée dans cette aventure pré-électorale nous a permis de cerner un tant soit peu les profils de ces candidats indépendants, mais surtout les «à-côtés» d’une opération qui voile bien des secrets d’un opération électorale qui est loin, très loin même de se limiter au jour du scrutin tant l’essentiel se fait en amont.
Abdelhakim Assaba est un confrère parmi la large proportion de la corporation qui a décidé de se lancer dans ces joutes électorales, notamment au titre de candidat indépendant. Lui a choisi de briguer un des six sièges parlementaires de sa wilaya de naissance, Jijel. Il avoue tout de go qu’il est en train de vivre, au-delà de sa capacité à collecter le nombre de souscriptions d’électeurs exigé par la loi électorale, une «véritable aventure» qui lui a permis de voir «de près» les «rouages» ou ce qu’il qualifie de «face cachée» d’une opération électorale.
Notre ami affirme «n’avoir pas encore fermé» sa liste, lui à qui manquent encore deux candidats titulaires en plus des deux suppléants. À ce sujet, il parle de «défections de toute dernière minute» de deux postulants, dont notamment, une jeune femme qui, selon lui, a avancé l’argument d’avoir «trouvé son dossier de candidature dans une autre liste, partisane». À ce propos, notre interlocuteur déclare que nombre de femmes approchées, pas que par lui, «préféreraient se candidater sous la bannière de partis politiques». La raison est simple : selon Assaba, on fait «miroiter» à ces femmes la perspective pour elles de figurer, si elles ne sont pas élues cette fois-ci comme députés, dans leurs listes à l’occasion des futures élections portant renouvellement des membres des Assemblées populaires communales et de wilaya. Ce que ne peuvent pas garantir les promoteurs des listes indépendantes pour le rendez-vous du 12 juin prochain.
Encore que réussir à réunir le nombre de candidats que requiert la circonscription électorale ne constitue qu’une infime étape, tant le parcours est encore long et pénible. Il s’agira, par la suite, de procéder à la collecte des souscriptions des électeurs. Une opération, avoue encore notre confrère, très complexe. Ce que nous dira un autre candidat parmi les nombreux promoteurs de listes indépendantes, une trentaine, dans la wilaya de Bouira. Surtout qu’au niveau de cette dernière, il n’est pas évident de dénicher un candidat dans le versant est, hostile à ces élections, de là à songer à y trouver des souscripteurs parmi les électeurs. Alors on se rabat sur le côté ouest de la wilaya quand bien même là aussi, avoue-t-il, la mission n’est pas une partie de plaisir.
L’inflation des listes, 71 entres listes partisanes et indépendantes, n’est pas faite pour faciliter la tâche. Faudra-t-il, dans ce sens, faire attention aux multiples signatures qui risquent de vous faire disqualifier par l’Anie surtout si les listes concurrentes venaient à vous précéder dans le dépôt de ces souscriptions. À ce propos, notre interlocuteur soutient avoir enregistré moult difficultés dans cette opération tant, dit-il, «les promesses de signature ne sont pas souvent honorées». «Combien de connaissances nous ont promis de nous accorder leurs souscriptions avant de se désister évoquant tantôt une non-inscription sur la liste électorale, tantôt un manque de temps quand certains disparaissent carrément», dit-il. D’autres déclinent poliment la proposition, préférant, disent-ils, «rester à l’écart surtout qu’ils ont été approchés par beaucoup d’autres listes, nombreuses à se disputer les mêmes électeurs». Encore que le «villagisme» a été «réveillé» cette fois-ci, avec le système de liste ouverte et proportionnelle, fait remarquer notre vis-à-vis qui soutient qu’il est «impossible» de pénétrer des quartiers, voire des villages entiers qui ont accordé leurs souscriptions à des candidats qui en sont issus. «Chaque candidat tente de faire sa propre promotion et la notion de groupe n’a pas sa place tant la position sur la liste électorale est subsidiaire, contrairement à ce qui a prévalu jusqu’ici où la lutte pour le positionnement faisait rage», regrette-t-il, à ce sujet.
Un observateur de la scène électorale dans la même wilaya de Bouira révèle que derrière ce fléau de listes indépendantes, se cache un autre «phénomène», celui du «recyclage». «Nombre de promoteurs de ces listes dites indépendantes sont des militants politiques en disgrâce avec leurs partis», dit-il. Ce que corroborent notre confrère de Jijel et notre interlocuteur, promoteur d’une liste indépendante à Bouira.
M. K.
Le Soir d’Algérie, 19 avr 2021
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