La Coalition citoyenne pour le Sahel appelle l’Etat français à repenser sa stratégie d’intervention au Sahel. Jessica Pascal, chargée de mission au CCFD-Terre Solidaire, nous explique pourquoi il y a urgence à écouter davantage la voix des organisations de la société civile sahélienne.
Par Jessica Pascal
La région du Sahel connaît une intensification des conflits sans précédent. La crise sécuritaire que traverse cette région, est une crise multidimensionnelle alimentée par des facteurs sociaux, économiques et politiques.
Les stratégies de réponse à cette crise, promues par les Etats du Sahel central (Mali, Niger, Burkina Faso) – comme la communauté internationale– sont de plus en plus critiquées. Elles ne répondent pas aux causes profondes de cette crise et sa complexité. Bien au contraire…
Les populations sahéliennes sont confrontées à la restriction de leurs libertés publiques, à la criminalisation des acteurs des sociétés civiles, à l’impunité face à la corruption et aux exactions croissantes causées par les forces armées.
Les Etats sahéliens, avec le soutien de la communauté internationale, et de la France, particulièrement active, ont misé sur une approche principalement sécuritaire. Même si elle intègre une dimension de développement, cette approche repose sur un modèle de développement et de croissance source d’inégalités, qui alimente la crise.
Or, la France est particulièrement active auprès des Etats sahéliens et de la communauté internationale. Depuis 2013, elle intervient militairement au Sahel (avec l’opération Serval puis Barkhane), en coordination avec d’autres acteurs. Elle a également fait preuve d’un activisme diplomatique pour accroître les moyens militaires dédiés à la lutte contre le terrorisme dans la région.
Mais, de nombreux experts pointent un manque de visibilité quant aux objectifs politiques de cette intervention, au-delà des objectifs militaires, alors même que cette intervention n’a jamais été débattue au parlement français.
La France doit se montrer à l’écoute des revendications portées par les Sahéliennes et les Sahéliens. Ces revendications témoignent d’une remise en cause profonde du modèle d’Etat et de gouvernance qui est en jeu, ainsi que du modèle de développement et de croissance – promu par notre coopération – qui montre ses limites.
En tant qu’acteur de solidarité internationale, nous sommes témoins de certaines incohérences et de certaines faiblesses de notre aide qui ne prête pas assez d’attention au respect des droits humains et aux attentes de la société civile.
Nous devons interpeller les politiques pour être davantage à l’écoute de propositions alternatives, et de nouveaux modèles qui peuvent contribuer à la paix.
Au CCFD-Terre Solidaire, nous sommes témoins que les sociétés civiles sahéliennes ont beaucoup de choses à dire et qu’elles sont porteuses de solutions. C’est pourquoi nous soutenons, la Coalition Citoyenne pour le Sahel, lancée en juillet 2020. Elle réunit une cinquantaine d’organisations de la société civile et de personnalités sahéliennes, avec le soutien d’une vingtaine d’organisations internationales.
Pour mettre les décideurs politiques face à leurs responsabilités, la Coalition publie un rapport, Sahel : ce qui doit changer. Ce rapport formule des recommandations politiques concrètes autour de 4 piliers citoyens et mesure la progression de leur mise en œuvre via des indicateurs de suivi.
Une dynamique de plaidoyer proprement française a aussi récemment vu le jour, afin de pousser les autorités politiques françaises à repenser leur rôle et leur stratégie dans son soutien à la résolution de la crise au Sahel.
Le CCFD-Terre Solidaire vous invite à rejoindre l’appel qu’elle lance avec ses alliés –OXFAM, Tournons La Page et le Secours Catholique –, pour pousser, en premier lieu, à plus de concertation, plus de débat.
En tant que français, nous devons être davantage attentifs à ce que fait la France au Sahel.
CCFD Terre solidaire, 14 avr 2021
Etiquettes : Sahel, Afrique, Mali, Niger, Burkina Faso,