Rafaa Tabib, professeur de géopolitique et de relations internationales revient sur la visite du président de la République Kaïs Saïed en Egypte, dans une déclaration à leconomistemaghrébin.com
Pour Rafaa Tabib, cette visite a fait couler beaucoup d’encre. Selon lui, il n’existe pas d’avis évoquant de questions sérieuses soulevées par cette visite. Notre interlocuteur affirme que cette visite a montré « qu’en Tunisie on ne fait plus la différence entre politique intérieure et politique étrangère du pays. Dix ans après la révolution, on n’a pas encore tiré les leçons nécessaires pour diriger un pays ». « Cela se manifeste, précisément, dira-t-il, lorsqu’on s’arroge le droit de juger un régime politique d’un pays frère et important de fait très courtisé par ceux -là même qui défendent la démocratie dans le monde ». Avant de préciser que « dès qu’il s’agit d’intérêts nationaux, les attitudes des uns et des autres prennent des tournures totalement différentes ».
Premières années de démocratie
D’après Rafaa Tabib « Alors qu’on est au tout début du processus démocratique, on se permet de donner des leçons à l’Egypte. Je pense que les Tunisiens ont brisé leur miroir depuis longtemps et n’arrivent plus à se voir dans ce miroir pour réaliser dans quel état de délabrement nous vivons maintenant. Je pense que sur ce plan l’Egypte peut nous donner quelques leçons en matière de reconstruction ou de l’ordre du repositionnement stratégique dans la région ».
Normalisation des relations entre la Tunisie et l’Egypte
Rafaa Tabib considère que la première retombée de cette visite est la normalisation du rapport avec l’Egypte. Il rappelle que la relation entre les deux pays a connu des hauts et des bas. « A un certain moment on pouvait se permettre cette marge de liberté d’avoir certaines différences dans les approches ».
Et notre interlocuteur de poursuivre « Quand on voit ce qui se passe en Libye actuellement et notamment comment la Turquie utilise ses leviers à l’intérieur de la Tunisie pour marginaliser notre Etat notre, notre peuple et nos intérêts nationaux en Libye. Du coup je me demande si les personnes qui ont critiqué la visite du président en Egypte ne sont pas en réalité les vassaux de la Turquie. A croire qu’il s’agit de personnes qui travaillent pour le compte de la Turquie et qui essaient de toutes leurs forces de marginaliser la Tunisie dans le dossier libyen. Et ce afin que ce pays frère et voisin reste une proie facile entre les mains de la mafia turque ».
Un message important aux islamistes
Par ailleurs, Rafaa Tabib considère que le Président de la république a envoyé des signaux forts à savoir que les islamistes tunisiens ne détiennent plus le monopole de la religion, ni de l’Islam encore moins de la représentation de cette religion. Pour lui, il existe bel et bien des référentiels plus importants en Tunisie. La preuve que le président de la République a fait référence de la mosquée Zitouna au cœur de la mosquée Al-Azhar.
Notre interlocuteur considère qu’il s’agit d’un « repositionnement du champ religieux non plus dans le monde partisan et politique mais plus tôt dans les institutions ».
Rafaa Tabib Optimiste quant aux perspectives des relations tuniso-égyptiennes
L’expert en géopolitique demeure optimiste quant aux perspectives des relations tuniso-égyptiennes. Surtout que « la Tunisie a une vision partagée avec l’Algérie ». Pour lui, la Libye est tombée si facilement entre les mains des turcs. Car, le soutien des pays arabes et maghrébins a fait défaut. Et surtout parce qu’il y avait un dysfonctionnement entre la l’Algérie et l’Egypte.
Rafaa Tabib affirme l’existence de tout un repositionnement dans la région. Il déclare que « Prochainement, il y aura une déclaration du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’évacuation des mercenaires. Et la Turquie va se trouver dans une position très critique. Elle va devoir faire des concessions avec les Italiens et les Français ».
L’Economiste maghrébin, 16 avr 2021
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