Plusieurs soldats tchadiens sont accusés de viols sur des habitantes du Nord-Ouest du Niger où l’armée du G5 a été déployée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Principal allié du Tchad, le gouvernement français n’est pas sans responsabilité dans les violences qui s’exercent dans la zone des trois frontières.
Adrien Balestrini
Le mois dernier, dans les nuits du 27 et 28 mars, des soldats tchadiens appartenant à l’armée du G5 Sahel auraient violé plusieurs femmes dans le département de Tera, situé au nord-ouest du Niger. Sur Canal 3 Niger, chaîne nationale, une des femmes victimes a raconté le cauchemar qu’elle a vécu : « Ils se sont introduits dans notre case, ont tenu en respect mon mari avec une arme et, ensuite, ils se sont livrés à leur sale besogne, à tour de rôle. »
Plusieurs sources donnent différentes versions de l’affaire. Selon Hama Mamoudou, le maire de la ville, les soldats en état d’ébriété auraient violé trois femmes dont une jeune mère, une femme enceinte et une petite fille de 11 ans. Une autre version est défendue par Moussa Hamidou Talibi, le rapporteur général de la commission nationale des droits humains (CNDH), qui explique que « d’autres femmes n’ont pas voulu témoigner pour éviter la stigmatisation qu’entraîne souvent la dénonciation d’agressions sexuelles dans notre société. Mais leurs maris nous l’ont confirmé ». En effet, en plus de marquer physiquement et psychiquement les victimes, la vision sociale autour du viol réduit au silence les femmes voulant obtenir réparation.
Un possible renforcement de la contestation sur la présence du G5 au Sahel
Dans son article sur l’affaire, la journaliste du Monde Afrique Morgane le Cam rapporte les propos de Remadji Hoinathy, chercheur au Centre de Recherches en Anthropologie et Sciences Humaines (CRASH) et membre de l’institut d’étude de sécurité (ISS). Ce dernier fait un lien entre la violence militaire et le grossissement des rangs des organisations djihadistes : : « La rhétorique utilisée par les groupes djihadistes pour justifier leur présence auprès des populations ou pour recruter les jeunes est basée sur les manquements de nos Etats sahéliens. Si les militaires censés protéger les civils se mettent à les violenter, les populations n’auront d’autre choix que de se livrer à un calcul rationnel : elles choisiront le camp qui, selon elles, sera le plus à même de leur proposer un contrat social. »
La présence de ces soldats au Sahel s’inscrit dans le déploiement d’une force conjointe du G5 Sahel composée de 5 000 militaires dont 1 200 d’entre eux forment le bataillon tchadien destiné à s’affronter aux forces djihadistes responsables d’attaques dans la zone des « trois frontières » (Mali, Niger et Burkina Faso. L’occasion pour le Tchad dans la région de se poser en avant d’une lutte contre le terrorisme organisée conjointement avec l’impérialisme français dans la région. Une situation qui, depuis huit ans, s’enlise au Sahel où l’occupation militaire est responsable d’énormes coûts en vie humaine et devient de plus en plus impopulaire aussi bien en France que chez les populations de la région..
Le viol comme arme de guerre
En pleine période électorale au Tchad, le ministère des affaires étrangères s’est vu obligé d’admettre que les trois viols avaient bien été commis par l’armée. Ce dernier a assuré que les violeurs avaient été arrêtés et que des sanctions seraient prises. Non seulement rien ne dit que les responsabilités seront effectivement prise par l’État et l’armée tchadienne mais à l’inverse des déclarations du maire de Tera, il ne s’agit pas de quelques « brebis galeuses » au sein de l’armée.
En effet, les témoignages glaçants des femmes font mention de sévices sexuels qu’elles ont subies sous les yeux des hommes de leur famille que les soldats ont menacés avec leurs armes et montrent que le viol a servi à humilier et à réduire à l’impuissance la population occupée. En ce sens, et comme nous le montre Françoise Vergès dans son dernier livre « Une théorie féministe de la violence », le viol dans le contexte militaire est une arme de guerre où le corps des femmes et des filles devient le terrain de jeu des armées occupantes.
Une présence militaire étrangère et le rôle de la France au Sahel
Cette affaire ne manque pas d’impliquer la France dans la responsabilité des actions de l’armée tchadienne. Comme nous le disions plus haut, l’alliance des États français et tchadien est justifiée par l’opération Barkhane qu’Emmanuel Macron mène de front en appelant l’année dernière au Sommet de Pau durant lequel la tactique militaire de la force conjointe a été discuté. Récemment, lors du sommet du G5 Sahel, le président français a annoncé le renforcement des forces armées en engageant 600 soldats de plus.
Dans un article datant 2019, Phillipe Alcoy, spécialiste de la section « Monde » de Révolution Permanente, résumait l’objectif de la France au Sahel en ces mots : « Avec Barkhane, avec la dette – qui siphonne les budgets des pays africains et sert de levier pour leur imposer des politiques promues par les impérialistes – et les millions des aides au « développement », Macron entend donc jouer un rôle dans la reconstruction d’un Sahel allié de la France, en consolidant ses régimes et l’implantation française dans la zone, et se doter ainsi d’une carte de poids dans les concurrences entre grandes puissances européennes et au-delà. »
Ces viols alimentent le bilan sanglant de l’intervention militaire dans des régions où se jouent les intérêts du capitalisme patriarcal français qui a l’intérieur du pays mène une guerre contre les musulmans comme nous le montrent les récents tags islamophobes sur un lieu de culte musulman à Rennes et à l’extérieur se rend responsable des actions de ses alliés.
Il est donc indispensable que les organisations politiques et syndicales qui luttent contre les forces réactionnaires ayant cours en France s’organisent et dénoncent l’impérialisme français tout en exigeant l’interruption de l’intervention militaire ainsi que le retrait des troupes du G5 du Sahel !
Révolution permanente, 12 avr 2021
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