Pendant des années, le créateur Yves Saint Laurent a aimé le Maroc et s’en est inspiré, et ce pays le lui a bien rendu. Encore aujourd’hui, des musées et artistes marocains rendent hommage au couturier.
Tout commence en 1966, quand Yves Saint Laurent et son compagnon Pierre Bergé se rendent pour la première fois au Maroc. Le couturier, né en 1936 à Oran, en Algérie, retrouve donc l’Afrique du Nord 30 ans plus tard. A leur arrivée, ils séjournent à La Mamounia, prestigieux hôtel des années 1920 qui a séduit auparavant Maurice Ravel, Winston Churchill, Joséphine Baker, Édith Piaf et bien d’autres. Le coup de foudre est immédiat, si bien qu’ils décident très vite d’acheter une petite maison dans la médina de Marrakech nommée Dar el-Hanch, “la maison du serpent” en arabe.
À partir de cette date, Yves Saint Laurent se rendra au Maroc plusieurs fois par an pour y dessiner ses collections, car c’est là-bas qu’il trouve son inspiration. Le couturier dira : “cette ville m’a appris la couleur, et j’ai embrassé sa lumière, ses mélanges insolents et ses inventions ardentes.” Les caftans, sarouels, djellabas font alors intrusion dans l’univers de Saint Laurent et conquièrent le monde fermé de la Haute Couture. Lui qui trouvait “refuge” dans le noir pour ses créations, ses couleurs se nourrissent de celles qu’il observe dans les rues de la médina.
Pendant la période du “Swinging London”, où les jeunes gagnent en liberté et influencent la mode, Marrakech délaisse son statut de belle endormie et devient l’une des villes les plus festives du monde. Les stars affluent et commencent à s’installer sur place, comme le couple mythique Paul et Talitha Getty, qui invitent un bon nombre d’amis, parmi lesquelles Fernando Sanchez, Loulou de La Falaise mais également Andy Warhol et Mick Jagger. Yves Saint Laurent et Pierre Bergé commencent alors à fréquenter la haute bourgeoisie et les nombreux autres amoureux de Marrakech.
YVES SAINT LAURENT DÉCOUVRE LE JARDIN MAJORELLE
En 1974, Pierre Bergé et Yves Saint Laurent vendent leur maison à leur ami Fernando Sanchez et achètent une autre maison qui porte le nom de Dar Es Saada, la “maison du bonheur dans la sérénité” en arabe, non loin du Jardin Majorelle. 6 ans plus tard, le couple décide d’acheter ce fameux Jardin, ainsi que la villa attenante, car l’endroit est menacé par un projet immobilier. Yves Saint Laurent et Pierre Bergé chargent alors Bill Willis de la rénovation de lieux. Ils lui confient également la décoration de l’atelier, dans lequel ils aménagent un musée d’art islamique.
Réaménagé en 2000 par Madison Cox, le jardin Majorelle est aujourd’hui l’un des lieux les plus visités du Maroc, puisque près de 800 000 visiteurs s’y rendent chaque année. En 2001, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé décident de créer la Fondation Jardin Majorelle, reconnue d’utilité publique 10 ans plus tard. La fondation soutient aujourd’hui de nombreuses structures culturelles et éducatives, ainsi que des associations oeuvrant dans la lutte contre certaines maladies. Puis, en 2011, le musée d’art islamique au sein du Jardin Majorelle devient le musée d’art berbère, avec 600 objets issus de la collection léguée par Pierre Bergé. Un choix symbolique, puisque cette culture berbère aura fortement inspiré le créateur.
A la mort d’Yves Saint Laurent en 2008, ses cendres furent répandues dans le Jardin Majorelle, rejointes en 2017 par celles de Pierre Bergé. Une stèle commémorative a été érigée dans un coin de la roseraie. Aucun des deux ne verra alors le musée Yves Saint-Laurent qu’ils avaient tant voulu, ouvert juste à côté, en 2018. Ce musée est le pendant marrakchi de celui de Paris, où trônent des pièces de Haute Couture, une sélection de vêtements du créateur, ainsi que des bijoux et accessoires.
La création des différents musées, l’importation de la culture marocaine à l’internationale et les investissements du couturier sont les témoins de l’amour inconditionnel d’Yves Saint Laurent pour le Maroc. Depuis, Marrakech est la source d’inspiration d’autres créateurs, et se voit comme une ville pleine de ressources et d’avenir pour les jeunes talents. Dans son livre “Une passion marocaine”, Pierre Bergé décrira son premier matin dans la ville ocre : “Les oiseaux chantaient, l’Atlas barrait de neige l’horizon, les odeurs de jasmins montaient dans notre chambre. Ce matin là nous ne l’avons pas oublié puisque, d’une certaine manière, il a décidé de notre destin.”
Elle.be, 13 avr 2021
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