Tunisie/ Bras de fer.Les attaques en règle du président tunisien contre les islamistes

Rien ne va plus entre le parti islamiste Ennahdha, majoritaire au Parlement, et le président, Kaïs Saïed. À l’occasion du début du ramadan, ce dernier s’est montré particulièrement hostile envers les islamistes. Vraie opposition ou tentative de récupération ?

Lundi 12 avril au soir, à la veille du ramadan, le président, Kaïs Saïed, s’est rendu à la mosquée Zitouna, la plus vieille de la capitale tunisienne. Il y a exprimé ses vœux aux Tunisiens, mais en a aussi profité pour s’en prendre, une nouvelle fois, à l’islam politique, explique le site d’information Webdo.

“Dieu s’est adressé aux musulmans et non pas aux islamistes”, a lors de son allocution déclaré le président tunisien, entouré du mufti de la République et de l’imam de la mosquée. Affirmant que le terme d’“islamiste” n’avait aucun sens, et qu’il s’agissait là d’un discours adopté “par certains” pour semer la discorde dans le pays, Kaïs Saïed a appelé à cesser les amalgames entre “musulmans” et “islamistes”.

Combattre les islamistes

Rien de moins que “des messages codés” adressés au parti islamiste Ennahdha, analyse le journal d’État La Presse. D’autant que Kaïs Saïed était tout juste de retour d’Égypte, où pendant trois jours il avait été reçu somptueusement par le président, Abdel Fattah Al-Sissi, lui-même en confrontation directe avec les islamistes dans son pays.

En Tunisie, certains commencent déjà à évoquer une tentative d’éradication de l’islam politique par le chef de l’État. “Si le président de la République parvenait à libérer la Tunisie de l’islam politique, ce serait une très bonne chose”, déclare Mabrouk Korchid, député et ancien ministre, au journal La Presse.

Une tentative de récupération ?

Mais le site indépendant Business News pointe du doigt l’ambivalence du discours du président tunisien et l’utilisation de “références religieuses à outrance de la part de celui qui dit que l’État n’a pas de religion”. Certains estiment en effet que Kaïs Saïed cherche à récupérer l’électorat islamiste en vue de la prochaine élection présidentielle, en 2024. “L’adversaire politique numéro un des ‘nahdhaouis’ [les cadres du parti Ennahda] essaie de [les faire] partager leur fonds de commerce et pourrait même le leur ‘voler’ à l’avenir !”, estime ainsi le site libéral Kapitalis.

Depuis plusieurs mois maintenant, les Tunisiens vivent au rythme d’une crise institutionnelle inédite. Outre son conflit ouvert avec le président du Parlement et leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, Kaïs Saïed est également en bisbille avec le chef du gouvernement, Hichem Mechichi. Considérant ce dernier comme un pantin aux mains des islamistes, il bloque un remaniement ministériel, de même qu’un projet de loi visant à faciliter la mise en place de la Cour constitutionnelle. Dès lors, cela fait plusieurs mois que la vie politique, en Tunisie, se trouve comme figée.
Malik Ben Salem

Courrier Internationale, 14 avr 2021

Etiquettes : Tunisie, Kaïs Saïed, islamistes, Ennahdha, Rached El Ghannouchi,