Il était attendu, mais il n’est pas venu. À la dernière minute, Jean Castex a annulé son déplacement à Alger prévu dimanche 11 avril. Si ce revirement a été officiellement justifié par la crise sanitaire, il a été vécu comme une provocation de l’autre côté de la Méditerranée. La polémique enfle, alors que les deux pays entretiennent déjà des relations délicates.
“Je t’aime, moi non plus”, écrit le quotidien Liberté. Entre amour et haine, la relation entre Paris et Alger est pour le moins tumultueuse. “Tantôt on se tourne le dos, comme des voisines fâchées, tantôt on se cherche désespérément comme deux amants séparés”, abonde le journal algérien. La visite de Jean Castex, initialement prévue dimanche 11 avril, devait être l’occasion d’apaiser les esprits. Problème, le Premier ministre français a reporté sine die son déplacement très attendu de l’autre côté de la Méditerranée, et ce, trois jours seulement avant le rendez-vous fixé.
Officiellement, Paris invoque la situation sanitaire. Il explique que la délégation française ne pouvait pas se déplacer en grand nombre, alors que la France est confinée en raison de la pandémie de Covid-19. Mais Alger, qui avait pourtant finalisé les préparatifs, n’est pas convaincu. Un des plus hauts responsables algériens fait savoir sa colère. Le ministre du Travail, El Hachemi Djaaboub, a qualifié la France d’“ennemi traditionnel et éternel de l’Algérie”.
L’épine du Sahara occidental
Du côté de l’État algérien, aucune réaction n’a encore été communiquée. Mais la presse, elle, analyse déjà ce nouveau raté. En une, Liberté évoque les “non-dits d’un malentendu”. Et ils sont plus politiques que ne veut bien le dire la France.
L’annonce du gouvernement français, la semaine précédant la visite avortée, d’ouvrir un consulat à Dakhla ne serait pas étrangère à cette reculade, estime le site d’information algérien TSA. Car la ville est “en territoire sahraoui occupé”, selon le titre.
L’ouverture d’un consulat français dans cette zone du Sahara occidental a tout d’un nouveau camouflet pour le Front Polisario et son allié algérien. Le mouvement sahraoui continue de revendiquer cette zone, contrôlée de fait par le Maroc, appuyé par les États-Unis et une partie de la communauté internationale.
Toujours pas d’excuses
Sans compter que le report de la visite du Premier ministre intervient alors que les cicatrices mémorielles sont à vif et qu’Alger attend des gestes de la part de Paris.
La remise du rapport Stora à Emmanuel Macron, à la fin janvier, devait apaiser les relations. Mais pour Alger, il est imparfait. L’ancienne colonie déplore l’absence d’excuses officielles de la part de l’État français pour la colonisation et les crimes de guerre en Algérie, rappelle cette éditorialiste algérienne de l’Expression :
Les temps sont donc peut-être venus pour Alger et Paris de sortir du piège de la mémoire, mais cela ne pourra se faire sans assumer la totalité du passé vécu.”
Pauline Le Troquier
Courrier International, 12 avr 2021
Etiquettes : Algérie, France, Mémoire, colonisation, Maroc, Sahara Occidental,
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