Tamara Nassar, 8 avril 2021
Ce mardi, le cabinet soudanais a voté l’abolition d’une loi qui interdisait les relations diplomatiques et commerciales avec Israël, inversant ainsi une politique longue de six décennies.
Le bureau du Premier ministre soudanais Abdalla Hamdok a annoncé la décision sur Twitter, affirmant dans le même souffle
« la position ferme du Soudan quant à l’instauration d’un État palestinien dans le cadre de la solution à deux États ».
Déclarer son soutien à la solution moribonde à deux États est une échappatoire habituelle utilisée par les gouvernements arabes et européens pour faire oublier leur complicité et leur inaction alors qu’Israël continue à coloniser la terre palestinienne par la violence.
Cette décision doit encore être approuvée par le Conseil souverain du Soudan – sa législature intérimaire – avant de pouvoir entrer en application.
La veille du jour où le cabinet soudanais a accepté d’abroger la loi sur le boycott, Hamdok et le secrétaire d’État américain Antony Blinken ont eu un entretien téléphonique.
Blinken a assuré Hamdok de « l’importance du rôle du Soudan dans la création de la stabilité dans la région », a déclaré le bureau de Hamdok.
Le porte-parole du département d’État, Ned Price, a expliqué que les deux hommes avaient discuté du soutien américain aux « efforts du gouvernement de transition en vue de faire progresser le processus de paix » – sans toutefois spécifier à quoi cela faisait référence.
Aucun briefing concernant l’échange téléphonique n’a fait état d’Israël.
Au cours de ses audiences de confirmation, en janvier, Blinken a multiplié les éloges à l’adresse des efforts de l’administration Trump en vue d’assurer les accords de normalisation entre Israël et divers États arabes, malgré le rejet obstiné par Israël des droits palestiniens.
« J’applaudis le travail qui a été accompli pour faire aller de l’avant la normalisation avec Israël », a déclaré Blinken aux sénateurs.
« Cela rend Israël et la région plus sûrs. C’est une bonne chose et, oui, j’espère que nous pourrons construire sur cela aussi. »
« De lourdes pressions »
Le gouvernement de transition du Soudan a accepté d’instaurer des relations diplomatiques entières avec Israël en octobre dernier, dans le cadre d’un accord plus large visant à installer le pays fermement dans le giron des États-Unis.
On s’attend à des traités officiels une fois que le Soudan formera un gouvernement permanent, mais les hauts responsables israéliens ont déjà effectué plusieurs visites à Khartoum au cours des derniers mois.
À l’époque de l’accord, le président américain Donald Trump avait annoncé qu’il retirerait le Soudan de la liste américaine des nations soutenant le terrorisme en échange de 335 millions de USD de compensations pour les victimes américaines des attentats d’al-Qaïda.
Le 31 mars, Blinken a confirmé la réception des fonds en provenance du Soudan.
Blinken a qualifié le paiement d’entame d’un « nouveau chapitre » entre les deux pays.
Alors que la déclaration de Blinken ne fait aucunement état d’Israël, le fait que le Soudan a accepté d’effectuer le paiement en échange de sa radiation de la liste a été perçu comme une première motivation de la normalisation des relations avec Israël.
L’an dernier, un porte-parole du gouvernement soudanais avait révélé que le pays subissait de « lourdes pressions » de la part des États-Unis en vue de normaliser ses liens avec Israël en échange de sa radiation de la liste américaine du terrorisme.
« Il a été dit clairement que c’était lié », a expliqué le ministre soudanais de l’Information, Faisal Mohamed Salih, au correspondant de presse de la TV iranienne, Ahmed Kaballo.
« ‘Si vous voulez que le Soudan soit retiré [de la liste américaine des nations qui soutiennent le terrorisme], vous devez normaliser vos relations avec Israël.’ C’était une situation très difficile », a-t-il ajouté.
Il y a peu de signes que l’important apport d’armes américains au Soudan ait changé sous Biden.
Intimidations et encouragements
Le Soudan était l’un des quatre États arabes à accepter de normaliser leurs relations avec Israël au cours de la dernière année de Trump à la présidence.
Les trois autres étaient les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn et le Maroc.
L’administration Trump a utilisé un mélange d’intimidations et d’encouragements afin de concrétiser certains de ces accords.
L’administration Biden semble reprendre le même flambeau.
Le journaliste israélien Barak Ravid a rapporté que la Mauritanie était elle aussi sur le point de normaliser ses relations avec Israël et qu’elle « espérait obtenir des encouragements économiques en retour », mais Trump avait quitté son mandat avant qu’un accord eût été dégagé.
Ravid a expliqué que l’administration Biden espérait mettre sur pied des accords de normalisation similaires « tout en assurant ses propres réalisations via de nouveaux accords ».
« Plusieurs des relations nouvelles instaurées entre Israël et les quatre pays des accords d’Abraham s’accélèrent dans leur propre cadre », a expliqué à Ravid un haut responsable américain qui n’a pas été nommé.
« Les États-Unis continueront à encourager cette dynamique. »
Plus tôt, dans les années 1990, la Mauritanie avait instauré des relations diplomatiques avec Israël, mais les avait interrompues en 2010 afin de protester contre les agressions israéliennes sur les Palestiniens de Gaza.
En février, les médias israéliens ont rapporté que la Mauritanie était l’un des pays censés recevoir des doses de vaccin COVID-19 en provenance d’Israël dans le cadre d’un effort du Premier ministre Benjamin Netanyahou en vue de rentrer dans les bonnes grâces des gouvernements du monde entier.
Alors que ces plans ont été suspendus en raison d’une opposition juridique, des millions de Palestiniens vivant sous l’occupation militaire israélienne se voient toujours refuser le vaccin.
Charleroi pour la Palestine, 8 avril 2021
Etiquettes : Etats-Unis, Israël, normalisation, pays arabes, Maroc, Mauritanie, Palestine, Donald Trump, Joe Biden,