La récente annonce par les indépendantistes sahraouis d’une frappe de drone par le Maroc contre un de leurs chefs marquerait, si elle était confirmée, un tournant dans le conflit.
La récente annonce par les indépendantistes sahraouis d’une frappe de drone par le Maroc contre un de leurs chefs marquerait, si elle était confirmée, un tournant dans l’interminable conflit du Sahara occidental, avancent des experts. Si l’usage d’un drone «est difficile à démontrer», l’ampleur de l’opération menée mercredi est «une première depuis le cessez-le-feu» signé en 1991 sous l’égide des Nations unies, estime le politologue marocain Mohamed Chiker, spécialiste des Forces armées marocaines (FAR), joint par l’AFP.
En l’absence de communication officielle, les circonstances de cette attaque, sa localisation et ses modalités restent toutefois confuses. Seule certitude: Addah Al-Bendir, le chef de la gendarmerie du Front Polisario (indépendantiste), a été tué mercredi lors d’une opération des FAR survenue après une incursion sahraouie, selon des sources concordantes. Pour le reste, on ne sait pas où ni comment il a péri: dans le nord-est du Sahara occidental ou dans le sud du Maroc? D’une frappe de drone ou pas?
«Télémètre laser»
Le recours à un drone «voudrait dire que le Maroc inaugure les frappes ciblées comme les Etats-Unis et Israël dans une logique de réplique aux tentatives d’incursion du Polisario», a commenté le site d’information marocain Le Desk. Ce site évoque une «mission combinée menée par un drone non armé Harfang, de conception israélienne», qui a pointé la cible au «télémètre laser» permettant à un chasseur «d’exécuter la frappe». En écho à des informations émanant du Polisario, le site Algérie Patriotique a dénoncé l’usage de «drones tueurs» et «l’assistance technique» d’Israël.
«Officiellement, le Maroc ne dispose pas de drones armés», mais il «possède une panoplie de drones non armés à la pointe de la technologie», assure l’expert militaire marocain, Abdelhamid Harifi. «Dans la région, le Maroc est pionnier dans l’utilisation de drones à des fins de renseignement et de désignation de cibles», affirme-t-il. Selon lui, il est donc «possible que l’armée ait utilisé un tel drone pour la localisation de mouvements suspects dans la zone-tampon» mercredi. Des informations reprises par la presse marocaine ont fait état fin 2020 de la livraison de trois drones Harfang mais aussi de la commande de drones israéliens Bluebird et américains MQ-9B SkyGuardian – apparemment non livrés à ce jour.
Ces informations ont coïncidé avec l’annonce fin 2020 de la reconnaissance par les Etats-Unis de Donald Trump de la souveraineté du Maroc sur l’ancienne colonie espagnole et de la normalisation des relations entre le royaume chérifien et Israël. Drone ou pas, le Maroc «maîtrise militairement toutes les zones du Sahara et dispose d’un arsenal capable de frapper n’importe quel mouvement du Polisario», assure Mohamed Chiker. De fait, ses commandes militaires ont permis à Rabat de renforcer ses capacités: en deux ans, il est passé de la 60e à la 53e place du Global Firepower Index classant les forces militaires.
L’Essentiel.lu, 11 avr 2021
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