« Ils ont mis ma tête dans un seau d’eau jusqu’à ce que je m’étouffe. J ‘ ai été violé à l’envers avec une bouteille. J ‘ ai subi des chocs électriques. » Depuis dix ans Ali Aarrass, un résident de Bruxelles emprisonné au Maroc, a été le visage de la campagne mondiale d’Amnesty International contre la torture. Aarrass insiste sur son innocence. Depuis l’été dernier, il est libre, ′′ et infiniment reconnaissant à tous ceux qui lui ont écrit. »
On se retrouve à la Bourse et on continue en marchant. ′′ C ‘ est comme si j’avais soudainement atterri sur une autre planète, » a-t-il dit. ′′ Une planète avec seulement des gens sympas. C ‘ est tellement bizarre de voir tous ceux qui ont écrit des lettres, qui vous ont défendu, dans la vraie vie après toutes ces années. Tenez-vous bien à eux pour une fois, mais malheureusement ce n’est pas encore possible. ′′
Après toutes les informations qui viennent du Maroc depuis 2009 sur son sort, Ali Aarrass (58 ans) semble étonnamment courageux. Il a une longue histoire de boxeur et servi dans l’armée belge. Il peut supporter beaucoup de choses. ′′ Les cicatrices des brûlures de cigarettes disparaissent, » dit-il. ′′ Les autres ne le font pas. Et ce que c’est dans votre tête, de traverser tout cela et de réaliser que les gens qui font ça sont spécialement formés pour ça, je ne peux expliquer. ′′
Ali Aarrass a vécu à Bruxelles pendant 29 ans. Il a d’abord dirigé une boutique de souvenirs, puis un kiosque à journaux à Molenbeek. En 2004, il a décidé de revenir à Melilla, l’esclave espagnol près de la ville marocaine de Nador, où se trouvent ses racines.
′′ Quand les agents de Guardia Civil m’ont contacté dans la rue le 1 avril 2008, je m’attendais à un client. Ils ont fait croire qu’il était lié à une amende de circulation. La première question était : ′′ Qui sont vos amis ? ′′ Je l’ai trouvé un peu bizarre, ça semblait menaçant. J ‘ ai dit que je n’avais qu’un seul vrai ami, mon père. Ils se sont moqués de moi. Après, j’ai réalisé qu’ils me suivaient depuis longtemps. Le soir, j’ai été traduit devant un juge. Il a dit que je devais être transféré à Madrid. Voilà, j’ai été mis en isolement. Après un certain temps, j’ai été mené devant Baltasar Garz ón. ′′ \ n
Il était le magistrat qui a attaqué Augusto Pinochet et Silvio Berlusconi, et qui voulait poursuivre George W. Bush pour les tortures subies à Guant ánamo.
′′ À la demande du Maroc, il a également enquêté sur les attaques de Casablanca (contre les centres touristiques le 16 mai 2003). Il m’a confronté à toute une série de noms qui ne signifiaient rien pour moi. Il m’a demandé qui je connaissais au Maroc. J ‘ ai dit : ′′ Personne du tout. » Je n’y ai jamais vécu. Je suis né à Melilla et je sais pour un fait que l’enclave est vue avec soupçon par le Maroc. M. M. Garz ón a fait son travail correctement et a décidé que je ne devrais pas être poursuivi en justice. Cependant, je n’ai pas été libéré. Le Maroc a demandé mon extradition. Amnesty International L ‘ Espagne a lancé une action. Parce que le Maroc est un pays qui torture. ′′ \ n
Grâce à d’autres détenus, les descriptions d’Aarrass des méthodes horribles de torture dont il a souffert ont atteint le monde extérieur.
– Connaissez-vous l’origine des suspicions qui pendent sur vous ?
′′ Non, j’étais un pion sur un conseil diplomatique. Nous étions deux au départ. Avec moi, ils avaient récupéré un certain Mohamed el Bay, aussi à Melilla. Quelqu’un que je ne connaissais pas. Il a également été extradé vers l’Espagne et a passé plus d’un an et demi en prison là-bas. Il avait la nationalité hispano-marocaine, il est né en Espagne, tout comme moi. Moi, avec ma nationalité belgo-marocaine, j’ai été extradé. Ils viennent de le laisser partir.
′′ Quand j’ai appris que l’extradition devenait inévitable, j’ai fait une grève de la faim. Le premier d’une longue série. J ‘ ai été emmené à l’aéroport par des gens de la Croix-Rouge espagnole et transporté à Casablanca lors d’un vol régulier Royal Air Maroc le 19 novembre 2009. S ‘ ils avaient vraiment vu un terroriste en moi, ils ne le feraient pas. Je n’aurais pas pris un vol régulier, non ? D ‘ après tout ce qui m’est arrivé, il est clair que les gens que j’ai traités n’ont pas cru un mot de ce qui a été dit sur moi. Ils ne faisaient que exécuter les ordres. Après l’atterrissage, je ne suis même pas passé par la douane. J ‘ ai été poussé dans une voiture avec quatre agents des services secrets à l’intérieur. L ‘ un d’entre eux a dit : ′′ Maintenant tu es à ta place. J ‘ ai dit que j’étais belge. J ‘ ai reçu le premier coup de poing. Nous avons conduit à Rabat. Nous avons dû passer trois cabines à péage. À chaque cabine de péage, ils m’ont poussé la tête vers le bas. ′′
– Toujours selon les normes marocaines, votre arrestation était-elle illégale ?
′′ Au moins, c’est ce que j’ai ressenti. En fin de compte, j’ai été bandé les yeux, donc je ne savais pas où j’avais fini. D ‘ abord, ils vous placent menotté par derrière sur une chaise très instable, de sorte qu’à un moment donné, vous vous cognez inévitablement la tête par terre. Alors vous l’avez fait vous-même, pour ainsi dire. Puis les questions ont commencé. Qui es-tu ? Combien de sœurs et frères avez-vous ? Et tout d’un coup, ′′ Où cachez-vous les armes ? » Pendant quatre jours, ils n’ont pas arrêté de répéter cette question. J ‘ avais une barre de fer entre les jambes. Ils ont mis ma tête dans un seau d’eau jusqu’à ce que je m’étouffe. J ‘ ai été violé à l’envers avec une bouteille. J ‘ ai eu des chocs électriques. Leur objectif évident était une confession. ′′
– Qu ‘ est-ce que, selon les autorités marocaines, vous avez fait aussi?
′′ Inventer un scénario est une chose très différente de celle de l’avouer. Je ne pouvais plus supporter la douleur. Après quatre jours, j’ai mentionné l’adresse de ma tante qui vit près de la frontière avec Melilla. Ils ont commencé à enquêter, en disant, » C ‘ est vrai, il a une tante qui vit là-bas. » Ils ont commencé à fouiller toute la maison, et j’ai dû aller avec eux. J ‘ ai été soudainement traité d’une manière agréable. À partir des données sur le tableau de bord de la voiture que nous conduisions, j’ai réalisé que cela faisait quatre jours. Je n’avais aucune idée du jour ou de la nuit. Cette histoire sur ma tante m’a fait gagner du temps. Je savais aussi qu’il y avait au moins sept heures de route. »
– Comment ont-ils réagi quand ils n’ont pas trouvé d’armes ?
′′ Ça a ravivé tout. Et dans la commissaire, le téléphone sonnait tout le temps. Je les ai entendus dire : ′′ Oui, patron, patron, patron compris. » Avec respect, chef. J ‘ étais déshabillé, ils me coinçaient une matraque dans les fesses. Ils m’ont énervé. Ils ont tiré des balles dans ma tête. Ils ont dit : ′′ Si tu ne nous montres pas la vraie cachette maintenant, on va te tirer dessus. » J ‘ ai dit : ′′ Vas-y. Je ne connais aucune cachette. Ils m’ont ensuite assommé. J ‘ ai ensuite imaginé un autre scénario, avec le même résultat. ′′
– N ‘ avez-vous pas reçu d’aide du consulat belge à ce moment-là ?
′′ Ils n’ont rien fait du tout. Pour eux, j’étais ′′ juste ′′ un marocain. Finalement, j’ai été condamné sur la base de mes ′′ aveux. » D’ abord à quinze, puis à douze. Et je les ai servis. Jusqu’au dernier jour. Dans la prison de Salé notamment. Ils ont continué à me torturer là-bas. Parce que ma sœur, le comité Free Ali et Amnesty International ont continué à faire du bruit. Ils ont continué à écrire des lettres. Je serai reconnaissant à votre journal d’avoir publié jusqu’à la fin de ma vie les dessins animés que j’ai mis en fraude grâce à mes collègues détenus. C ‘ est ce qu’ils voulaient arrêter : l’attention, la critique d’Amnesty. Leur idée, je pense, était : ′′ Un jour, ça s’arrêtera tout seul. » Je suis bien conscient d’être privilégié. Au moins 2,000 personnes ont été arrêtées à la suite des attentats de Casablanca, dont des centaines ont été traités comme moi. Qu ‘ est-ce qui leur est arrivé ? »
– Vous avez été libéré au milieu de la première fermeture du Maroc.
′′ C ‘ était déjà un point de contestation. On m’a dit en prison qu’ils ne pouvaient pas me libérer à cause du Coronavirus. Il y avait à ce moment là une dame marocaine qui connaissait le comité Free Ali et qui m’a proposé de m’accueillir. Elle est venue me chercher dans sa voiture. Je suis resté avec sa famille pendant trois mois parce qu’il n’y avait pas de vol. Jusqu’à ce que soudainement j’ai reçu un message : vous pouvez venir sur un vol pour Paris. J ‘ y croyais seulement quand on était dans l’air. Puis j’ai réalisé. Je n’ai eu que des bonnes personnes à remercier pour ça. À la générosité désintéressée. ′′
Comment vivez-vous maintenant ?
′′ Quelque chose que je n’aurais jamais imaginé allait m’arriver. Du CPAS (Les Centres Publics d’Action Sociale ont pour mission de garantir que toutes les conditions de vie sont en conformité avec la dignité humaine). Toute ma vie, j’ai toujours travaillé, très volontiers. Maintenant je cherche du travail tous les jours mais pas facile. ′′
Par Douglas De Coninck, du journal De Morgen, 17 février 2021.
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