Mohamed Habili
Mercredi prochain à Vienne, les pays signataires de l’accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien se réuniront pour la troisième fois consécutive et cela en quelques jours seulement. On ne sait trop si les Etats-Unis, qui se sont retirés de l’accord en 2018 sous l’administration Trump, tout en rétablissant et même en durcissant les sanctions contre l’Iran, seront ou non à cette occasion admis à participer aux débats, encore que la probabilité qu’ils ne le soient pas soit la plus forte. Il y a une semaine en tout cas, les négociateurs américains avaient pris part aux pourparlers sur la levée de leurs sanctions, condition sine qua non pour la restauration de l’accord dit de Vienne, depuis un autre lieu que celui dans lequel les autres participants étaient réunis. Les Etats-Unis ont pourtant déjà fait savoir qu’ils étaient disposés à lever celles de leurs sanctions directement liées au programme nucléaire de l’Iran, laissant du même coup entendre qu’en revanche ils maintiendraient celles qui avaient été décidées par eux pour d’autres raisons. La réponse des Iraniens ne s’était pas fait attendre : toutes les sanctions américaines devraient être levées, sans distinction aucune entre elles. Autrement eux les Iraniens ne reviendraient pas à l’accord de Vienne dans l’ensemble de ses clauses.
Ils se contenteraient de l’appliquer à leur convenance, dans le prolongement de ce que d’ailleurs ils font depuis plusieurs mois déjà. Il semble bien qu’ils soient en train de remporter une victoire diplomatique éclatante, les Américains n’ayant d’autre d’alternative en vue de reprendre langue avec eux que d’annoncer la levée de toutes leurs sanctions. L’administration actuelle ne se serait pas trouvée dans la situation de devoir céder sur toute la ligne si elle avait pris le contrepied de celle qui l’a précédée en cette matière, conformément à l’engagement pris par son chef au cours de sa campagne électorale. Elle serait aujourd’hui en meilleure position pour aborder avec l’Iran des sujets à ses yeux non moins importants que son programme nucléaire : son programme balistique et sa politique dans le Golfe et au Moyen-Orient, jugée contraire aux intérêts des Etats-Unis et de leurs alliés dans la région.
Cela dit, même dans cette supposition, l’Iran n’aurait probablement pas été accommodant, mais enfin, il y aurait eu moyen d’en parler avec lui, après le gage de bonne volonté qu’aurait été la levée sans condition des sanctions. Mais à la façon dont cette nouvelle administration s’est prise, cherchant à tirer parti de sanctions décidées par la précédente, dont elle tient pourtant à se démarquer en tout, ce supplément de négociation est fortement compromis. Quel intérêt en effet aurait l’Iran à discuter de sujets relevant pour lui de sa souveraineté s’il était certain d’obtenir sans conditions la levée des sanctions ?
-A l’évidence aucun, sachant que de toute façon il ne sera jamais ami avec les Etats-Unis, qui au contraire continueront de voir en lui un ennemi à abattre. Pour l’heure, on n’en est pas là, il s’en faut. Les Américains devraient pouvoir reprendre leur place dans l’accord de 2015, ce qu’il ne semble pas aller de soi. Et une fois qu’ils y seraient parvenus, ce serait vraisemblablement pour s’entendre dire de la part des Iraniens, avec le soutien sans doute de la Russie et de la Chine, que ce dossier est maintenant définitivement clos, puisque l’accord est rétabli et qu’il ne s’agit plus pour ses parties que de s’y conformer rigoureusement.
Le Jour d’Algérie, 10 avr 2021
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