Industrie automobile en Algérie : Un rêve qui a tourné court !

L’échec est cuisant. L’Algérie qui rêvait depuis plusieurs décennies d’avoir sa propre industrie mécanique, se contente aujourd’hui d’évoquer les quelques modèles qui ont fait sa fierté dans les années 1970, produits par l’ancienne Sonacome, ou encore les tracteurs agricoles du fameux Cirta qu’on a fini par reléguer au monde des souvenirs. Quant à l’automobile, les nostalgiques préfèrent rappeler les belles «4L» montées à El- Harrach. En cette année 2021, rien, sinon presque, ne rassure les Algériens, pourtant amateurs des quatre-roues, encore moins ne titille leur fierté, puisque l’automobile dégage, désormais une odeur de scandale…

Par Nadjib K.

Si le souci du citoyen lambda est présentement, de trouver une «astuce» pour pouvoir s’offrir un véhicule neuf, ou tout au moins, de très bonne occasion, sur un marché où les «vieille ferrailles» sont proposées à prix d’or, les autorités donnent l’impression, depuis des mois déjà, qu’elles ne savent plus comment se conduire.

«Un scandale peut en cacher un autre»

L’ancien ministre de l’Industrie, Ferhat Ait Ali, a durant toute la période qu’il a passée à la tête de ce département, fait fixation sur ce secteur ; mais les résultats restent curieusement nuls. Relevé de ses fonctions, ce ministre n’a au final rien fait pour relancer le secteur, et pis encore, les cahiers des charges qu’il a pris tout le temps de confectionner, ainsi que les autorisations provisoires accordées pour l’importation, sont appelées à être remis en cause, à croire certaines sources bien au fait du dossier.

Il y a deux ans de cela, le secteur automobile s’est retrouvé au cœur d’un énorme scandale. De fausses «usines» de montage, bénéficiant aux pontes de l’ancien régime de Bouteflika, et des oligarques qui constituaient la «nomenklatura» de l’époque, ont vu le jour. La Justice qui s’est saisi du dossier n’a pas tardé à découvrir le pot aux roses. Conséquence : des usines fermées, des patrons et des responsables, dont des anciens Premiers ministres jetés en prison, mais surtout des centaines de salariés réduits au chômage. Le projet tant loué par les autorités de l’époque, n’est finalement qu’une illusion, et la promesse d’Ait Ali de relancer cette industrie «sur des bases solides qui rompent avec les pratiques du passé», n’était qu’une fausse promesse.

Le fiasco qui dure depuis au moins 2012, date à laquelle l’Etat algérien a commencé à miser sur une industrie automobile «made in Algérie», avec la signature du premier partenariat avec le constructeur français Renault, et la mise en marche en 2014, de la première usine de production de voitures, à Oued Tlélat (Oran), ne semble pas prêt à trouver d’issue.La suite est connue de tous, puisque les autres ateliers de montage qui ont vu le jour ici et là (Hyundai, Volkswagen, Kia…), et appartenant aux Tahkout, Oulmi… pour ne citer que ceux-là, sentaient gravement l’odeur de la supercherie.

Des pertes incommensurables

Les pertes ont été énormes pour le Trésor public, puisqu’il s’est avéré que, finalement, il ne s’agissait que d’«importations déguisées». Les réactions du gouvernement étaient loin de constituer une panacée, puisque si depuis 2017, du temps où MahdjoubBedda, aujourd’hui en prison, était à la tête du secteur, décision a été prise de suspendre tout nouveau projet de montage automobile, il demeure que le marché automobile est plombé.

Avec la prise de plusieurs décisions consistant à réduire les importations, si ce n’est l’interdiction pure et simple de toute importation de pièces détachées destinées aux usines de montage, c’est l’industrie naissante qui est tout bonnement enterrée. A peine la chute de Bouteflika consommée, les prétendues usines de montage automobile se voyaient fermées. C’est le cas, entre autres, de Volkswagen qui a suspendu sa production dès décembre 2019, et du Sud-coréen, Kia qui a fermé sa chaîne de montage, en mai 2020.

Parallèlement à cela, ce sont les importations qui se sont vu bloquées, au moment où la mise en œuvre des nouveaux cahiers des charges tardait à venir. L’Algérie qui, en 2014, était le premier importateur de véhicules neufs du continent africain, avec 418.000 unités, et une facture d’importations qui s’élevait en 2015 à un peu plus de trois milliards de dollars, se voit désormais réduire cette facture, non sans provoquer une raréfaction des véhicules sur le marché local.

Le retard pris pour la relance du secteur, avait encore d’autres conséquences qui ne sont pas des moindres. De l’aveu même du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, El-Hachemi Djaaboub, en mars dernier, la fermeture des usines de montage automobile et à l’arrêt de l’importation des produits destinés au montage des appareils électroménagers, a engendré la perte de 51.000 postes d’emploi en 2020. Si le chiffre avancé par le ministre semble invraisemblable, de l’avis de certains experts, il demeure que l’impact est réel. Les algériens, sont actuellement face à une véritable crise, et le marché automobile vit l’une de ses situations les plus problématiques. N’ayant d’autres choix que de se rabattre sur le marché de l’occasion, les algériens sont appelés désormais à payer leurs véhicules très cher.

Un besoin insatisfait…

Selon le président de l’Organisation Algérienne de Protection et d’Orientation du Consommateur et de son Environnement (APOCE), Mustapha Zebdi, «la hausse des prix des véhicules d’occasion a connu son pic à partir du 2esemestre 2020», soulignant que «les prix ne vont se stabiliser ou régresser que s’il y a des produits alternatifs».

Le même avis est partagé par le fondateur du site Largus.dz, Mourad Saadi, interrogé par l’APS, lequel évoque le principe de l’offre et la demande pour expliquer la hausse des prix des véhicules d’occasion. Selon lui, «l’offre n’était pas conséquente depuis pratiquement 2017», estimant que «les quelques 400.000 véhicules produits entre 2014 et 2019 par les usines de montage implantées en Algérie et représentants huit (08) marques (Renault, Dacia, Volkswagen, Audi, Seat, Skoda, Kia et Hyundai) étaient loin de répondre aux besoins du marché.»

Ceci dit, cette hausse des prix des véhicules d’occasion se traduit sur le marché par un gap pouvant atteindre les 12% par rapport aux anciens prix showroom (prix du neuf). De ce fait, si maintenant un modèle très demandé d’une marque coréenne immatriculé en 2019 affiche le prix de 2.250.000 DA au marché d’occasion, alors qu’il était disponible chez les concessionnaires au prix de 2.130.000 DA, soit une hausse de plus de 5,5%, c’est parce que ce model n’est plus disponible à la vente dans les show-rooms. Ceci dit, une solution d’urgence est souhaitée, faute de quoi les prochains mois ne seront que problématiques pour ce marché pourtant très prometteur.

Ecotimes, 11 avr 2021

Etiquettes : Algérie, Industrie automobile, importations déguisées,