Institut national de criminalistique et de criminologie de la Gendarmerie nationale
Haschich marocain hybride : une des drogues les plus dangereuses dans le monde
Bahet Mimouna
Les drogues en provenance du Maroc vers notre pays sont considérées des plus dangereuses dans le monde. Un constat affirmé par l’étude scientifique réalisée par l’Institut national de criminalistique et de criminologie de la Gendarmerie nationale (INCC) Ahmed-Bechichi, intitulée «Le haschich marocain : d’une drogue douce à une drogue dure ; le virage… pris par l’industrie du haschich marocain», constat analytique (2010-2020).
Pour de plus amples informations sur ce travail scientifique qui a duré 10 années, nous avons rencontré l’équipe qui l’a réalisé. L’objectif de cette étude, selon le sous-directeur du département toxicologie de l’INCC, le colonel Yacine Boumrah, est de dresser un état des lieux sur la réalité du haschich marocain et les transformations opérées dans l’industrie de ce dernier au Maroc et, surtout, sa dimension sanitaire.Cette étude est basée sur l’exploitation de données scientifiques issues des analyses effectuées au niveau de l’Institut national de criminalistique et de criminologie de la Gendarmerie nationale, sur plus de 30 000 échantillons de haschich, objets de différentes saisies opérées par les unités de la Gendarmerie national à travers le territoire national, durant la décennie 2010-2020. Il a précisé que les données extraites des analyses sont combinées à celles issues des différents rapports publiés par les organes nationaux et internationaux de lutte contre la drogue, en l’occurrence l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie (ONLDT), l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) et l’Observatoire français contre la drogue et la toxicomanie (OFDT).
Le Maroc constitue, selon les différents rapports des instances internationales spécialisées dans la lutte contre les drogues, l’un des grands pays producteurs de cannabis. Malgré les efforts de l’ONUDC, afin d’éradiquer les surfaces cultivées en cannabis dans ce pays, les rapports de cet office ont indiqué que ce pays ne cesse d’étendre ses surfaces de culture de cannabis et la production de haschich, pire encore, il utilise en parallèle de nouvelles techniques de plantation, d’irrigation et d’utilisation de grains hybrides pour faire croître la production du haschich et intensifier la teneur ou la concentration en principe actif THC (Tetra Hydro Cannabinol).
La production de haschich marocain a connu un nouvel essor ces dernières années, avec l’introduction de nouvelles variétés de résine (plants) de cannabis et de techniques dans la production de ces produits toxiques, et ce, dans le but d’obtenir une grande récolte avec une grande concentration en principes actifs comparativement à la production traditionnelle.
Il faut savoir que ce travail s’est basé sur l’étude et l’analyse du haschich marocain, communément appelé dans notre pays et en Afrique du nord «kif traité», «zetla», «henna ou hchicha» et sur les principes actifs de la THC (Tetra Hydro Cannabinol), en premier lieu, responsable de l’effet psychoactif et addictif du haschich. Les analyses de données scientifiques de plus de 30 000 échantillons ont divulgué l’existence d’une concentration très élevée d’agents actifs dans les quantités de haschich marocain saisies durant les 10 dernières années (2010-2020). Aussi, le recours à la production moderne de haschich, en utilisant les plants hybrides, a conduit à la propagation de ces poisons avec une teneur en THC qui atteint 49.5%. Ceci, tout en réduisant très bas le taux des autres substances, à savoir le CBD (cannabinol), qui a un effet inhibiteur sur la THC et qui est responsable de l’élimination des effets néfastes de la consommation de haschich sur l’être humain, ce qui constitue, selon nos chercheurs, un véritable danger pour la santé des consommateurs de ce type de haschich. Un constat aussi réaffirmé par la majorité des études scientifiques publiées dernièrement.
Selon les résultats de l’étude sur l’évolution de la teneur du principe actif THC utilisé dans la production du kif, il a été observé une stabilité de l’ordre de 7% mais depuis 2013, la concentration de cet agent actif a connu une croissance importante pour atteindre, en 2016, la barre des 10%, avant d’enregistrer une très forte augmentation les deux dernières années, pour atteindre un taux de 20%. (Voir figure 1).
La répartition des résultats d’analyses, d’après le lieutenant-colonel Bouzid Zrita, a permis d’identifier trois types de haschich traité, à savoir le haschich de qualité supérieure, 1er choix (THC>20%), le haschich de qualité moyenne, 2e choix (10%<THC<20%) ainsi que le haschich de qualité médiocre, 3e choix (THC<10%). La lecture des données statistiques des analyses des trois variétés de haschich marocain citées précédemment, a fait ressortir les éléments suivants : durant la période 2010-2014, il a été enregistré 75% des affaires relatives au kif marocain saisi, cultivé et fabriqué dans ce pays, le THC <10% (3e choix) et 24% du haschich saisi était de 2e choix THC <20%, mais depuis l’année 2014, 2% des affaires de kif traité saisi étaient de 1er choix THC>20%. En 2016, 6% des quantités saisies étaient de 1er choix. Les années 2019-2020 ont connu une nette augmentation des affaires relatives au haschich de 1er choix, avec THC > 20%), ce qui représente 50% du nombre des affaires traitées (Voir figure 2). Nous sommes face à un réel danger, avec de graves conséquences sur la santé publique et la sécurité nationale, concluent les chercheurs de cette étude, qui mentionnent que depuis 2019, le haschich marocain de qualité supérieure fait l’objet d’acheminement du Maroc vers notre pays, à travers toutes nos frontières, contrairement à ce qui se faisait avant où il était introduit uniquement par nos frontières ouest.
Les rapports internationaux ont aussi révélé, comme l’a mentionné cette étude, que différentes variétés hybrides de cannabis sont testées au Maroc et très répandues, à l’instar de la «Gaouriya», «Romia», «Pakistana», «Hajala» et «Khardala», au lieu des anciennes variétés, comme «Beldiya», «Aadya», «Maghribiya» et «Kdima dyalna», ce qui explique la grande concentration du principe actif dans les quantités de kif traité saisies en Algérie, en provenance du Maroc par les réseaux de narcotrafiquants à travers nos frontières. L’étude a mentionné aussi que les années dernières, la variété hybride «Khardala» est la plus utilisée au Maroc, ce qui permet d’obtenir trois fois plus de rendement que la variété traditionnelle «Beldiya», avec une grande concentration en THC.
Le constat final de ce travail scientifique a fait sortir que le haschich marocain a des conséquences et des dimensions néfastes sur notre pays, sur les plans sanitaire et sécuritaire, puisque les drogues marocaines modernes (hybrides) ont des effets psychologiques très graves, du fait de la dépendance à ces poisons, ce qui peut engendrer de graves problèmes de santé et d’intoxication, en plus de l’apparition de symptômes et de maladies graves à l’avenir.
Propos du général Sid Ahmed Bouroumana, directeur général de l’INCC de la Gendarmerie nationale :
“Selon les données publiées dans ce domaine et les résultats obtenus dans cette étude analytique sur les saisies de haschich, lors des 10 dernières années, on peut affirmer que le haschich marocain moderne ne peut être considéré comme une drogue douce mais plutôt dure, qui engendre une très forte dépendance aux graves conséquences et effets toxiques jamais enregistrés auparavant. Il est à souligner que durant l’année 2020, une importante partie de cette présente étude a été publiée dans la revue américaine de criminologie «Journal of forencsic science», l’une des plus importantes revues internationales spécialisée dans la criminalistique, et ce, à travers deux publications sur les caractéristiques physiques et chimiques du haschich marocain. Dans le même contexte, cette étude sera publiée durant l’année en cours dans la revue spécialisée dans les drogues de l’Office des Nations unies de lutte contre les drogues et le crime.»
El Djeïch nº 396, avril 2021
Etiquettes : Algérie, Maroc, cannabis, haschich,
Haschich marocain hybride : une des drogues les plus dangereuses dans le monde
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