Le Premier ministre français devait se rendre dimanche à Alger, mais a dû renoncer officiellement pour cause sanitaire, même si plusieurs sources évoquent des raisons diplomatiques.
Le report de la visite de Jean Castex en Algérie est-il lié à des tensions politiques ? Une visite du Premier ministre français à Alger, prévue dimanche et perçue comme un signe de réchauffement entre les deux pays, a été reportée sine die jeudi 8 avril. Officiellement, cela est lié à la crise sanitaire, mais des sources proches du dossier avancent plutôt des raisons diplomatiques.
Jeudi soir, un communiqué de Matignon a annoncé le report de cette visite importante, en raison de « l’épidémie de Covid-19 ne permettant pas à ces délégations de se retrouver dans des conditions pleinement satisfaisantes ». La réalité est plus complexe.
La délégation française n’était pas à la hauteur
Le format réduit de la délégation française à cause de l’épidémie a été jugé insuffisant par les autorités algériennes, mécontentes, ce qui a précipité cette annulation tardive. « Le format de la délégation n’est pas à la hauteur » selon Alger, a indiqué à l’AFP une source française ayant connaissance du dossier.
« La visite a été réduite à une seule journée et la délégation à quatre ministres. C’est un sous-format alors qu’il y avait beaucoup de dossiers bilatéraux à étudier », a confirmé une source algérienne à l’AFP. Lors de cette rencontre, plusieurs sujets économiques, sécuritaires ou culturels étaient sur la table et des accords devaient être signés.
Franceinfo rappelle que lors d’une précédente visite de ce type en 2017, l’exécutif algérien s’était déplacé à Paris avec dix ministres.
La France, un « ennemi traditionnel et éternel »
Plusieurs événements précédant la visite de dimanche peuvent avoir joué un rôle dans son report. Jeudi, le ministre algérien du Travail et de la Sécurité sociale, Hachemi Djaâboub, a lancé devant le Sénat une virulente attaque contre la France, qualifiée d’« ennemi traditionnel et éternel », selon le site en ligne TSA.
Le même jour, La République en Marche, parti d’Emmanuel Macron, a annoncé ouvrir une antenne politique à Dakhla, dans le Sahara occidental, un territoire réclamé par le Maroc. L’Algérie souhaite, elle, un référendum qui permettrait aux populations de ce territoire de dire si elles veulent rester indépendantes ou être rattachées au Maroc. L’ouverture d’une antenne d’En Marche sur place, la veille de la visite à Alger de Jean Castex, « est un geste qui ne pouvait qu’être mal interprété », souligne Franceinfo.
Des relations tumultueuses depuis des décennies
Les tensions entre les deux pays sont encore bien visibles. Elles existent depuis des décennies, et sont liées à leur passé colonial et à la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). En France comme en Algérie, cette histoire partagée est un sujet sensible pour une frange importante de la population.
Emmanuel Macron a tenté à plusieurs reprises d’apaiser ces tensions. Il a notamment opté pour un soutien ouvert au président algérien Abdelmadjid Tebboune, dont l’élection fin 2019 a été massivement rejetée par la population et reste contestée dans la rue. Cette année, il a aussi reconnu l’assassinat du militant indépendantiste algérien Ali Boumendjel et a ouvert des archives françaises autour de la période de la guerre, sur les conseils de l’historien Benjamin Stora.
En préambule à cette visite désormais reportée, le chef d’État-major des armées français, le général François Lecointre, a été, lui, reçu à Alger jeudi par le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) Saïd Chengriha. Lors de ce déplacement, l’AFP rapporte que le militaire algérien a sollicité l’assistance de Paris pour la « réhabilitation » des sites des essais nucléaires français au Sahara il y a 60 ans. France et Algérie ont encore de nombreux sujets à discuter.
L’Obs, 10 avr 2021
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