Algérie.- Le Hirak à l’épreuve de l’usure

La révolution pacifique et historique du 22 Février fait vraisemblablement face à une nouvelle épreuve d’usure. Quelques semaines après sa reprise, le Hirak semble ainsi appelé à négocier probablement le virage le plus déterminant pour sa continuité et son aboutissement. Comme toute révolution, aussi mobilisatrice soit-elle, celle du 22 Février peut naturellement être confrontée à des risques d’essoufflement, souvent indissociables de tout mouvement de contestation qui s’étale dans la durée.

Malgré une trêve longue et forcée, en raison de la crise sanitaire, le Hirak a, certes, réussi à surmonter l’écueil le plus dangereux auquel il pouvait être confronté, à savoir celui d’une cassure définitive après près d’un an d’absence de marches populaires. Cette reprise inespérée, aussi bien des manifestations hebdomadaires du vendredi que celles du mardi, aura permis de confirmer à la fois la grande résilience de ce mouvement et surtout la légitimité incontestable de ses revendications qui demeurent, pour la plupart, insatisfaites.

Cependant, s’il a effectivement bien résisté à de multiples tentatives de répression et d’étouffement, y compris même lors de la trêve imposée par la pandémie, le mouvement du 22 Févier montre aujourd’hui des faiblesses évidentes face aux manœuvres de manipulation et aux velléités de récupération dont il est plus que jamais la cible. Celles-ci visant, bien entendu, à l’altérer et à le corrompre pour tenter de le détourner de sa vocation foncièrement démocratique et de son caractère inexorablement pacifique.

De quelque origine ou nébuleuse politique qu’elles émanent, ces tentatives de dévoiement n’inquiètent pas tant par leur pouvoir de nuisance directe, mais surtout par un certain effet d’éviction qu’elles peuvent produire sur une partie des citoyens et militants du Hirak. En nourrissant le scepticisme, voire la lassitude au sein d’une partie du mouvement, les manœuvres de manipulation et d’infiltration, même marginales, participent assurément à favoriser l’usure de la révolution.

D’autant que se dessine, en parallèle, une démarche de normalisation électorale et institutionnelle qui, même forcée et rejetée, participe, elle aussi, à nourrir les doutes sur la portée et l’efficacité de la contestation politique. Face à ces nouvelles réalités, l’heure serait peut-être venue d’envisager le débat sur une possible organisation structurée du Hirak et sur sa réarticulation autour de principes et d’idéaux démocratiques intransigibles.

Liberté, 10 avr 2021

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