Moi Amar. S., ex-cacique algérien réfugié à Marrakech
par Amine Bouali
Moi Amar. S., ex-cacique algérien, j’ai enfin trouvé un endroit tranquille où reposer mes vieux os. Marrakech est une ville agréable que je vous recommande vivement. On m’y a accueilli à bras ouverts et sans aucune arrière-pensée. La température est y douce et il y a des calèches. Loin du capharnaüm d’Alger, je vis une seconde jeunesse. Je viens d’acquérir une villa avec vue imprenable sur la place de Jemaa el-Fna. L’après-midi, je joue à la belote avec mes nouveaux voisins de quartier. Eux ne me posent jamais de questions gênantes comme ces juges du tribunal de Cheraga qui ont eu l’indélicatesse de me convoquer pour des histoires de détournement de foncier.
J’avoue que ces deux dernières années, je ne me sentais plus en sécurité ni en France ni au Portugal où j’avais élu successivement domicile après mon départ d’Algérie. Les Européens sont devenus des gens trop influençables. Ici, par contre, je suis rassuré : aucun hirakiste à l’horizon, aucun Transparency international, aucun Polisario, aucune prison de Berrouaghia!
Certains, aujourd’hui, à Alger, m’accusent de trahison. Ils feignent de mal me connaître alors que je n’ai pas changé d’un iota : j’ai toujours pensé que retourner sa veste au bon moment était un art à part entière et que le militantisme menait à tout, à condition d’en sortir.
Lorsque je revois mon passé, moi l’ancien chef d’une station-service à El-Oued, je peux dire que j’ai fait du chemin. Pour occuper mon temps à Marrakech, j’envisage désormais de m’investir dans le social, par exemple entrer au Rotary Club pour promouvoir la paix et lutter contre la pauvreté et l’analphabétisme dans le monde. Plus sérieusement, on m’assure qu’on y déguste les meilleurs méchouis de la ville !
Le Quotidien d’Oran, 8 avr 2021
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