Algérie:- C’est ainsi que la drogue provient du Maroc (El Djeich)

Dans le numéro précédent, nous avons révélé comment la drogue provenant du Maroc franchit nos frontières sud-ouest. Dans ce présent numéro, nous allons nous intéresser au narcotrafic qui sévit à nos frontières nord-ouest. Nous aborderons les voies sur lesquelles notre voisin marocain s’appuie pour inonder notre pays de drogue, à partir de cette région et nous tenterons, par la même, de dévoiler les arcanes de ce trafic, notamment l’exploitation, par le Makhzen et ses différents réseaux criminels, des immigrants clandestins de différentes nationalités africaines.

Notre enquête nous a menés dans cette partie de nos frontières, dans le territoire du 6e Groupement des Garde-frontières à Sidi-Djilali, à Tlemcen. La région est réputée pour être l’axe le plus actif de l’immigration clandestine. Un nombre très important d’Africains transitent par là. Mais l’inhumanité et le mépris de la vie humaine par le Makhzen ont fait qu’il n’a aucun scrupule à exploiter ces malheureux immigrants ainsi que leur misère, les forçant à transporter et à faire passer son poison par nos frontières. En ce sens, nous avons été témoins, au cours de notre enquête, d’histoires et d’évènements les concernant qui dépassent de loin l’imaginaire.

Exploitation inhumaine des immigrants clandestins…

Après avoir acquis la conviction que leurs activités de contrebande devenaient désormais une aventure quasi impossible à la lumière des mesures sécuritaires draconiennes prises et des ouvrages barrières érigés sur le terrain par les unités du génie, les barons du narcotrafic, qui ont trouvé dans le pays voisin toute la quiétude pour s’adonner à cela en recourant aux méthodes traditionnelles en utilisant les véhicules et les bêtes de somme, se sont rabattus sur les migrants clandestins subsahariens, en exploitant leurs conditions de vie déplorables. A ce propos, le commandant du 6e Groupement des Garde-frontières déployé à Sidi-Djilali nous a expliqué : «Après avoir essuyé d’importants revers ces derniers temps, grâce aux actions de dissuasion menées par les unités des Garde-frontières, en coordination avec les différentes équipes et sections de la Gendarmerie nationale, sur la base de méthodes et mécanismes qui ont donné des résultats significatifs sur le terrain, comme le montrent les importantes quantités saisies, les contrebandiers ont changé de mode opératoire dans le but d’échapper aux mailles du filet en ce sens que nous avons constaté que le phénomène d’exploitation des migrants africains, dont la plupart sont des adolescents souhaitant émigrer vers l’autre rive de la Méditerranée à partir du territoire du pays voisin a pris, dernièrement une ampleur effrayante. Ces derniers sont utilisés comme bêtes de somme pour transporter sur leurs dos fragiles de la drogue qu’ils tentent d’acheminer au delà de nos frontières. Chaque migrant clandestin tombé aux mains de la mafia, se voit ainsi attacher une valise de 5 à 20 kg de kif traité sur son dos, selon sa corpulence et son endurance, et est sommé de s’infiltrer à travers la frontière et de faire parvenir la marchandise au lieu indiqué.»

Ce qui est triste pour ces migrants clandestins, selon les témoignages de plusieurs d’entre eux, arrêtés en flagrant délit par les unités des Garde-frontières, est que la mafia et les bandes de narcotrafiquants, qui utilisent le territoire du pays voisin comme refuge, avant de les contraindre à exécuter ce crime de contrebande, les retiennent de force et les entassent dans des tentes en paille ou en plastique, au milieu des buissons et des fleuves, près des frontières, dans des conditions inhumaines, au su et au vu des forces de sécurité marocaines. Les barons de la drogue leur confisquent leurs documents, argent et portables, en leur faisant croire qu’une fois la mission terminée, leurs affaires leur seront restituées et que des voyages seront organisés en leur faveur pour traverser vers l’autre rive de la Méditerranée. Un plan loin de fonctionner car nombreux d’entre eux finissent par tomber entre les mains des Garde-frontières et sont traduits devant la justice.

Du poison dans les caissons de fruits avec comme couverture des labels commerciaux

Les opérations de contrebande de drogue et de kif traité menées dans le territoire de compétence du 6e Groupement des Garde-frontières de Sidi Djillali ne s’arrête pas uniquement à l’exploitation des migrants. Les faits montrent que ce trafic se fait également sous couvert de labels commerciaux ou en moulant ce poison sous forme de fruits, légumes, voire gâteaux. A noter, à ce propos, que lors d’une patrouille effectuée le 23 novembre 2020 par le chef d’état-major du groupement, dans le secteur de responsabilité du poste avancé de «la Crête», relevant de l’escadron des Garde-frontières de Mechemeche, son attention fut attirée, à 15 m du grillage marocain, par 14 capsules soigneusement enveloppées de scotch et ayant la forme de dattes. Après examen, il s’est avéré qu’elles contenaient une poudre blanche. Des chiens policiers, dressés spécialement pour détecter la drogue, ont été utilisés pour ratisser les lieux. Les analyses de l’Institut national de criminalistique et de criminologie de la GN ont confirmé ultérieurement qu’il s’agissait bel et bien de cocaïne. Toujours à propos du trafic transfrontalier, les éléments du 6e Groupement de Sidi Djilali soulignent que les tentatives se multiplient dans les conditions de visibilité réduite, d’autant que le secteur de compétence du groupement se caractérise par la diversité des reliefs, difficiles d’accès, des forêts denses dans la partie nord et des étendues steppiques traversées par quelques oueds, et l’existence de quelques groupements d’habitations dans la partie sud.

S’agissant de la protection assurée aux bandes de trafiquants de drogue et de traite des êtres humains et des facilitations accordées à leurs activités de l’autre côté de notre frontière, les données collectées sur le terrain, à travers les témoignages des Garde-frontières et certains habitants de la bande frontalière, font ressortir que l’arrivée des chargements de drogue jusqu’à la bande frontalière avec notre pays après avoir traversé un territoire dégagé et ouvert du côté du pays voisin, ne peut se faire sans complicités ! Ceci d’autant que qu’à leur arrivée au niveau de la bande frontalière, les cargaisons transitent par des passages obligés, au vu et au su des autorités du pays voisin, ce qui constitue la preuve irréfutable que les formations déployées par le pays voisin en face des unités des gardes frontières, sont chargées de faciliter le passage de la plus grande quantité possible de ce poison vers notre pays. Plus grave encore, les témoignages des chefs de compagnies et des postes avancés des gardes frontières soulignent les incessantes provocations de certains éléments des forces régulières du pays voisin dans une vaine tentative de porter atteinte au moral de nos éléments, notamment lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises, et de les tenter en vue de les impliquer dans ce crime. En s’aventurant plus profondément dans l’exploration de ce monde de la criminalité où excelle le génie du mal et la ruse des marchands de poison, sans cesse à la recherche de nouvelles méthodes, de stratagèmes et d’astuces pour acheminer leur venin, nous avons eu la confirmation, une nouvelle fois, que les protecteurs de la patrie, en particulier ceux positionnés aux premières lignes (Garde-frontières), ont prouvé et continuent de prouver, à chaque fois, leur capacité et leur génie à déjouer ces méthodes et à saisir les drogues, grâce à leur vigilance et à l’instruction de haut niveau qu’ils ont reçues.

Tout est suspect jusqu’à preuve du contraire

Dans le langage des Garde-frontières l a devise «tout est suspect jusqu’à preuve du contraire», n’est pas un simple slogan mais une réalité que nous avons eu l’occasion de vivre en les côtoyant. Des caméras thermiques ont détecté des sacs à dos dissimulés au milieu des buissons, à quelques mètres de la ligne de contact de la zone frontalière. Aussitôt informé, le commandant du groupement a immédiatement donné instruction au Commandant de l’escadron de renforcer le contrôle de la zone où ces objets suspects ont été détectés et le binôme cynotechnique chien policier et artificier a été aussitôt équipé. Le chemin menant à l’emplacement ces objets suspects à été une véritable aventure. Après avoir gravi un dénivelé d’environ 1280 m d’altitude, par des températures qui font que le gel érode la pierre, nous avons amorcé une descente abrupte non sans quelques glissades avant d’atteindre enfin notre objectif. Après la fouille des lieux par le binôme cynotechnique et au détecteur de métaux, il s’est avéré que ces objets suspects n’étaient que des sacs à dos abandonnés par certains migrants clandestins. A ce propos, la sentinelle qui nous surplombait nous a affirmé : « Ici, nous traitons toute chose suscitant notre attention comme une menace du fait que plusieurs fois les contrebandiers et même les migrants clandestins ont tenté de détourner notre attention par le recours à tous les moyens, dont celui-ci afin de s’infiltrer par d’autres accès.» Il a ajouté : «Nous sommes déterminés et nous riposteront à toute personne qui tenterait de porter atteinte à la sécurité et à la souveraineté de notre Patrie.»

Face aux tentatives de migration clandestine

Outre les tentatives d’introduction de drogue qui, généralement, sont déjouées par les Garde-frontières, tel que le montrent les chiffres et les bilans enregistrés, le territoire de compétence du 6e Groupement est également la cible des réseaux de migration clandestine. Ainsi, 686 migrants clandestins ont été arrêtés en 2018 et 3919 en 2019. En 2020, quelque 835 migrants (dont 770 depuis le Maroc vers l’Algérie) ont été arrêtés et refoulés, de même que 1020 autres ont été empêchés de s’infiltrer à travers nos frontières.

Les tentatives d’infiltration dans le but d’immigrer illégalement à partir du Maroc sont devenues quotidiennes. Nous avons été nousmêmes témoins d’une opération de refoulement de migrants clandestins de nationalité marocaine. En effet, le 20 janvier 2021, vers 18h, le commandant du 6e Groupement des Garde-frontières a reçu un appel du commandant de l’escadron «El Bouihi», faisant état de l’arrestation, sur la bande frontalière, de deux ressortissants marocains qui tentaient de s’infiltrer en territoire Algérien. Immédiatement, nous nous sommes déplacés sur les lieux où nous avons trouvé deux jeunes, à la fleur de l’âge, totalement épuisés. Ni la batterie de mesures de précaution et de prévention prises par tous les pays du monde pour faire face à la pandémie de coronavirus, ni les reliefs de la région et les obstacles érigés sur la bande frontalière n’ont entaché leur volonté d’entreprendre l’aventure périlleuse de la migration. Ils nous ont confié que leur désir de franchir les frontières était motivé par «la misère, le besoin et la recherche d’opportunités d’emploi», ajoutant que «les conditions économiques désastreuses dans notre pays font que nous n’avons d’autre choix que de partir à la recherche d’opportunités pour une vie digne hors des frontières de notre pays et gagner l’Algérie qui représente pour nous le dernier refuge afin de fuir la pauvreté». Avant d’être redirigés par les Garde-frontières d’où ils étaient venus, les deux jeunes ont reconnu que des réseaux organisés les ont « aidés à franchir la frontière, moyennant une somme d’argent » mais, surtout, que le franchissement du dispositif frontalier de leur pays «n’a pas été périlleux, puisque nous sommes passés au vu des éléments des forces du Makhzen». Nous avons saisi l’occasion de notre présence devant la ligne de contact de la bande frontalière pour accompagner le commandant de la formation nocturne, chargée de sécuriser nos frontières. Nos courageux Garde-frontières positionnés dans leurs postes, ayant pour devise «Honneur, sacrifice et loyauté», assurent jour et nuit la surveillance de leur zone frontalière afin d’empêcher l’incursion de tout un saboteur ou contrebandier sur notre territoire. A ce propos, le commandant de la formation nous a affirmé : «dans le cadre de l’activité quotidienne organisée, les unités sont déployées le long de la bande frontalière, via des patrouilles embarquées et pédestres, ainsi que des embuscades, dans un contexte étudié et une organisation planifiée, appuyées parfois par des sorties aériennes des hélicoptères du Commandement régional de la GN, afin d’éradiquer définitivement le trafic de drogue, la contrebande et la criminalité organisée, en général». Il ajoute : le groupement veille à la surveillance et à la protection d’un front qui s’étend sur plus de 36 km et œuvre, en coordination et en coopération avec deux brigades territoriales de la GN et des unités relevant des différentes forces».

De la compassion pour les désespérés

Alors que nous visitions les différents sites du territoire de compétence du 6e Groupement des Garde-frontières, nous avons été attirés par l’humanisme des éléments de nos unités envers les migrants clandestins. Un œil scrute la frontière et l’autre regarde avec compassion ces migrants en détresse et confrontés aux multiples épreuves qu’ils endurent, comme le désarroi, la faim, les maladies. Les éléments leur offrent aide et assistance dans la mesure du possible. C’est le cas de trois migrants clandestins subsahariens, arrêtés par les éléments du poste avancé «Thniet Remla», au lieu-dit Fathet El Guenater, alors qu’ils tentaient de franchir la frontière. De la nourriture et des soins médicaux leurs ont été fournis généreusement. En quittant le siège du groupement, le commandant nous a informés que quatre personnes de nationalité marocaine qui tentaient de pénétrer sur le territoire national aux premières heures de la journée, au niveau du secteur de responsabilité du poste avancé «El Guitoune El Kabir», relevant de l’escadron des Garde-frontières d’El Abed, venaient d’être refoulées. Tout au long de notre présence au sein du sixième groupe de gardesfrontières à Sidi Djilali, nous sommes parvenus à cette conclusion qu’en dépit des complots des ennemis parmi les forces des ténèbres et de la criminalité transfrontalière activant à quelques mètres de nos frontières, et guettant la moindre occasion pour nuire à l’Algérie et la noyer par d’énormes quantités de diverses drogues et autres poisons, les gardes-frontières et nos diverses forces déployées sur le terrain continuent, avec toute leur détermination d’hommes loyaux et grâce à une présence et un déploiement judicieux sur le terrain ainsi qu’aux ouvrages érigés par le génie le long de la bande frontalière, leur action de destruction des bastions de la contrebande, en particulier de la drogue et le trafic des êtres humains.

Après avoir accompagné les éléments du 6e Groupement des Garde-frontières, dans quelques unes de leurs opérations menées avec succès contre les fiefs des contrebandiers qui ont fini par les démoraliser, nous avons mis le cap plus au Nord, particulièrement vers un front qui fut sans conteste un fief de la contrebande frontalière à savoir la région de Bab El-Assa, après avoir traversé Maghnia pour atteindre le dernier point sur la bande frontalière, à savoir Marsat Ben M’hidi. Un front où, jusqu’à un passé récent, toutes sortes de produits étaient passibles de contrebande. Pour cela, les contrebandiers ont développé leurs méthodes crimi nelles par la mobilisation et l’exploitation de tous les moyens mobiles pour transporter des marchandises d’un lieu à un autre (bêtes de somme, véhicules, camions…)

Nous sommes arrivés au siège de l’escadron autonome des Gardefrontières à Boukanoun, relevant du 19e Groupement des Gardefrontières à Bab El Assa (Tlemcen), un jour de week-end. A travers une brève discussion avec son commandant, nous nous sommes rendus compte que la situation sur le front, aujourd’hui, est complètement différente de ce qu’elle était par le passé, particulièrement après que l’Armée nationale populaire ait, procédé à la fermeture des frontières en creusant des tranchées et en érigeant des barrages de terre dans le but de mettre fin à l’acheminement de tonnes de drogue en provenance du pays voisin et également arrêter la dilapidation des produits nationaux subventionnés comme le carburant, les médicaments et les denrées alimentaires et leur transfert de l’autre côté des frontières.

de l’autre côté des frontières. Ce qui est à retenir et qui mérite d’être salué, sur la base des bilans sus évoqués, c’est qu’au cours des deux dernières années, les unités des Garde-frontières du secteur militaire de Tlemcen n’ont enregistré aucune opération de saisie de carburant ou de produits de consommation subventionnés. Selon le commandant du secteur, ceci revient au «plan tracé et adopté par les unités des Garde-frontières, en première ligne, et les unités de l’Armée nationale populaire, en deuxième ligne, qui s’est traduit par un déploiement massif à travers la bande frontalière, avec l’activation de la détection et du renseignement, en plus du rôle efficace des ouvrages du génie, ainsi que le système de surveillance électro-optique».

Il est utile de rappeler que le renforcement des procédures et mesures de surveillance des frontières qui ont réussi à réduire considérablement la contrebande du carburant algérien et les autres produits de consommation, ont été grandement ressenties de l’autre côté, comme l’ont rapporté les médias et selon les témoignages des populations de la bande frontalière. Il en est pour preuve les nombreuses manifestations de protestation qui ont eu lieu dans les localités et les villes marocaines disséminées le long de la bande frontalière, en raison de la détérioration de leur niveau de vie qui dépendait directement de la contrebande et des différents produits qui leur parvenaient de notre pays.

De nouvelles méthodes sournoises pour écouler la drogue Alors que nous nous plongions, en compagnie des éléments des Garde-frontières, dans la réalité de la contrebande en ces lieux, il nous a été révélé qu’après que notre pays ait mis un terme à la contrebande du carburant et autres produits de consommation, grâce à la fortification de nos frontières et la surveillance renforcée de la bande frontalière, les contrebandiers ont eu recours à d’autres options. Il s’agit de tout ce qui pèse moins et coûte plus cher, ainsi qu’à d’autres voies frauduleuses pour franchir les frontières et introduire des cargaisons de drogue et des psychotropes, en les balançant à distance, notamment dans les zones d’habitation limitrophes, comme nous l’avons constaté dans le village algérien Cheraga et le village marocain Cheraga, séparés uniquement par un ouvrage du génie du côté algérien, et un grillage du côté marocain. Sur cette méthode innovante de criminalité transfrontalière, le commandant du sous-secteur de Lalla Aïcha relevant du groupement autonome des garde-frontières de Boukanoun nous dit : « Bien que les deux villages sont séparés par un mur en béton armé de plusieurs mètres de hauteur pour faire échec à toute tentative d’infiltration, en plus de la tranchée et du grillage, ce qui a permis de tarir définitivement toutes les sources de la contrebande et facilité la tâche des garde-frontières, au grand dam des contrebandiers, ce s derniers se sont vite rabattus sur d’autres méthodes aussi illicites, à savoir l’exploitation de la proximité des deux populations (environ 20 mètres) en jetant de petits sachets de kif traité sur les toits des maisons», et il ajoute : «les bandes criminelles et les narco- trafiquants du pays voisin tentent d’exploiter les situations afin d’introduire leur poison, notamment lorsque les conditions de visibilité sont mauvaises (brouillard, de nuit ou au moment où les caméras de surveillance électro-optiques tournent vers une direction donnée.»

Ce n’est pas tout, puisque en accompagnant les Garde-frontières dans leur tournée d’inspection en vue de détecter toute trace au niveau de la barrière de terre et de la tranchée le long de notre bande frontalière, notre attention a été attirée par l’existence de plusieurs accès dans le grillage marocain. En cherchant à nous renseigner sur leur utilité et leur nombre important, nous avons appris qu’il était procédé à leur fermeture et ouverture par les éléments des forces royales marocaines qui prétendent qu’elles servent à approvisionner les agriculteurs en eau d’irrigation à partir d’oued Kiss. La réalité est tout autre, sachant que dans de nombreuses occasions il a été procédé à l’interception et à la saisie, à leurs abords, de cargaisons de stupéfiants et de psychotropes. Il est donc permis de douter des motifs avancés quant à leur utilité et de penser qu’elles sont plutôt exploitées pour la contrebande de kif traité, particulièrement dans les zones qui ne sont pas couvertes par les caméras de surveillance électro-optiques protégées par une couverture végétale aux abords de l’oued. Ce qui donne plus de crédit à de la complicité des éléments du Makhzen qui soutiennent et facilitent l’activité de trafic de drogue.

Affin d’assurer un meilleur contrôle de ces passages, le commandant de l’escadron autonome des garde-frontières de Boukanoun déclare qu’en plus «du système de surveillance électro-optique qui a donné des résultats positifs et satisfaisants concernant le contrôle et la surveillance de la bande frontalière ainsi que la lutte contre la contrebande multiforme, les opérations de fouille et de surveillance sont renforcées par l’intensification des patrouilles pédestres, la surveillance de tous les mouvements, l’activation du renseignement, sans oublier les patrouilles embarquées régulières. Ceci afin de renforcer le dispositif sécuritaire, surtout la nuit, ainsi que l’établissement de points de contrôle au niveau des brèches et des ouvertures laissées au niveau du grillage marocain». Vu la présence de groupements d’habitations conséquents des deux côtés de la bande frontalière, sur l’ensemble du secteur de compétence du 19e Groupement des Garde-frontières et ses unités sectorielles, et connaissant tous les risques inhérents, il est procédé à l’inspection des oueds et buissons tout au long des abords d’Oued Kiss, voire les maisons inhabitées le long de la bande frontalière, afin d’éviter qu’ils ne soient exploités par les contrebandiers comme base arrière pour le trafic et la dissimulation des produits de contrebande, notamment le kif traité.

En accompagnant des éléments de certains postes avancés de l’escadron de Boukanoun, en mission de routine, nous avons été frappés par l’existence de champs verdoyants des deux côtés. Un de nos accompagnateurs nous a alors appris que le travail de la terre était quasiment rare, avant l’instauration du contrôle et de la surveillance des frontières afin de freiner le phénomène de la contrebande. Aujourd’hui, après avoir pris conscience de l’impossibilité de tout retour en arrière, les propriétaires ont repris le travail de la terre. C’est ce que nous a confié un fermier, sous couvert d’anonymat: «L’intérêt porté à la culture de la terre a commencé suite à la fermeture de toutes les issues de contrebande.» Notre interlocuteur a exprimé sa crainte de voir les bandes de narcotrafiquants exploiter son champ et l’impliquer dans leur entreprise : «Nous fouillons désormais le périmètre de notre champ matin et soir, de peur qu’ils jettent du kif près de nos maisons ou qu’ils le dissimulent dans nos propriétés pour impliquer nos enfants», a-t-il indiqué. Un autre fermier nous confie : «certains d’entre eux, notamment les plus jeunes, craignent d’avancer vers la bande frontalière de peur d’être accusés», ajoutant qu’«il y a des personnes qui considèrent les populations frontalières comme des contrebandiers et des trafiquants de produits prohibés. Ceci est faux, nous sommes des personnes tout aussi nationalistes et nous aimons autant notre Patrie. Nous sommes ses yeux qui guettent tout risque venant menacer nos frontières et notre souveraineté».

La situation à Boukanoun, Lalla Aïcha et Bab El Assa ne diffère pas de celle de Zouia, Souani, Sidi M’ghagha et Marsat Ben M’hidi, des hameaux, des villages et des villes algériennes dont la position géographique a fait qu’ils soient aux premières lignes de la lutte contre tout danger sécuritaire pouvant menacer le pays. Un fait sur lequel nous nous sommes arrêtés, en compagnie des éléments d’un poste d’observation maritime des Gardefrontières de Marsat Ben M’hidi, relevant de l’escadron autonome de Chaïb Rasso, du 19e Groupement des Garde-frontières, qui font preuve d’une grande vigilance constante afin de déjouer les nouvelles méthodes auxquelles a recours la mafia du narcotrafic, à partir du Maroc, au moyen de chalutiers transportant des paquets et des colis de poison. Le 7 avril 2020, une opération de qualité menée par les Garde-frontières s’est soldée par la saisie de quatre grands colis d’un poids total de 100 kg de kif traité, chargés sur une canot pneumatique. L’accroissement du trafic de drogue par voie maritime enregistré l’année dernière résulte du blocus imposé avec succès par les pays limitrophes du pays voisin dans le cadre des mesures destinées à lutter contre le coronavirus ainsi que le renforcement avec succès des mesures de verrouillage des frontières imposées par l’Algérie pour contenir le virus et combattre la criminalité organisée tout au long de nos frontières terrestres. Ce qui a poussé les barons du kif traité et de la cocaïne à tenter de f a i r e transiter les quantités de drogue qui commençaient à s’entasser dans des entrepôts au Maroc, par la voie maritime comme alternative à la voie terrestre.

Selon nos éléments opérant au niveau du poste d’observation maritime, au poste avancé de Marsat Ben M’hidi, les trafiquants exploitent les mauvaises conditions de navigation pour faire passer leur poison non sans tenter de mener des actions de diversion sur les rives d’Oued Kiss dans le but de détourner l’attention de nos éléments en temps de visibilité réduite. Au terme de notre présence en territoire du secteur militaire de Tlemcen, nous sommes arrivés à la conclusion que nos frontières Ouest ne sont plus gérées uniquement par les patrouilles mobiles des Garde-frontières et les postes fixes mais également par des moyens techniques intelligents, à travers l’intégration de la technologie dans la lutte contre la contrebande et la surveillance. Tout cela grâce à l’installation de postes de contrôle électroniques qui s’appuient sur des caméras développées, de jour comme de nuit, opérationnelles H24. Ceci, en plus des ouvrages du génie au sol pour alimenter les postes de surveillance avancés sur la bande frontalière en information instantanée sur les mouvements, avec localisation des positions à travers des coordonnées topographiques, ce qui aura grandement et efficacement contribué au renforcement de la sécurité de l’Algérie. A la lumière de l’accroissement des opérations de contrebande de kif traité à partir des frontières du pays voisin, les opérations de lutte contre la contrebande, notamment au niveau de nos frontières Ouest, est une priorité extrême pour les différents organes de sécurité qui, à chaque fois, tentent de s’adapter aux nouvelles situations et méthodes employées par les contrebandiers et faire en sorte de contrecarrer ce genre d’activité et empêcher toute recrudescence éventuelle de ce trafic nocif, ceci d’autant que nombre d’indices apportent la preuve de l’établissement de connexions entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes opérant au Sahel africain.

De nombreux rapports soutiennent en effet que la drogue acheminée du Maroc vers notre pays constitue une menace à la sécurité et à la stabilité de la région du Sahel, en raison de «la connexion existant entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes qui activent dans la région. Ces derniers offrent la couverture sécuritaire aux contrebandiers, en contrepartie d’une part des revenus générés par le trafic de drogue». Les réalisations des Garde-frontières et autres corps de sécurité en matière de contrôle des frontières et la mise en échec des réseaux de narcotrafiquants qui utilisent le Maroc comme base arrière, sont la preuve que la tentative d’inonder l’Algérie par des centaines de tonnes de ce poison n’est pas innocente ni le fait d’opérations isolées mais le fait d’une organisation, d’instructions et de la complicité des appareils de ce pays voisin. Ceci d’autant que l’Algérie n’a jusqu’à présent décelé aucune volonté du côté marocain de limiter le phénomène et combattre les contrebandiers et les narcotrafiquants. Au contraire, le royaume encourage ce trafic, espérant éviter les protestations des catégories sociales défavorisées qui vivent dans une extrême pauvreté.

El Djeich nº 693, avril 2021

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