La Tunisie vit aujourd’hui une des plus graves crises politiques de son histoire. Le paysage politique est marqué par l’effritement, manque de cohésion et d’équilibre.
Un équilibre encore plus fragilisé par une crise socio-économique sans précédent aggravée par une situation sanitaire devenue presque incontrôlable. Les deux têtes de l’exécutif Kaïs Saïed et Hichem Mechichi et le président de l’Assemblée Rached Ghannouchi sont les premiers acteurs de ce mélodrame politique qui met à rude épreuve la confiance des Tunisiens.
Une lueur d’espoir a pourtant vu le jour il y a quelques mois, celle de la mise en place d’un dialogue national qui pourrait aboutir à une sortie de crise… Mais là encore c’est un échec, puisque jusqu’à aujourd’hui, personne n’est d’accord sur son format et sa nature.
Un autre blocage concerne l’élection des membres de la cour constitutionnelle. Ce dimanche, le chef de l’Etat a renvoyé la loi y inhérente à l’Assemblée pour une deuxième lecture, aggravant davantage, cette crise multiforme. De nombreuses figures politiques appellent, désormais, à des élections présidentielle et législatives anticipées.
Que pensent les Tunisiens de cette situation ? Nous sommes allés sur l’Avenue Habib Bourguiba afin de recueillir leurs opinions et analyses.
Un passant d’une soixantaine d’années a regretté le désaccord persistant entre les trois présidences, un blocage qui n’a selon lui, que des retombées négatives sur la vie quotidienne des citoyens, dont la situation économique ne cesse de se dégrader.
« La classe politique, notamment les parlementaires sont appelés à se concentrer sur les vraies préoccupations du peuple tunisien, économiques, sociales et sanitaires, et cela, avant qu’il ne soit trop tard, que la situation pandémique dégénère… », a-t-il ajouté.
Sur la question de la cour constitutionnelle, ce retraité a insisté sur l’impératif de la neutralité de la cour constitutionnelle. Il appuit la position de Kais Saied, qui vient de renvoyer pour une deuxième lecture l’amendement de la loi organique 50-2015 relative à la Cour constitutionnelle adoptée par l’Assemblée des représentants du peuple le 24 mars 2021.
« Certains députés souhaitent placer leurs pions au sein de cette Cour, alors qu’elle se doit d’être un organe neutre. Outre son rôle dans le dénouement de certaines crises politiques comme celle que nous vivons actuellement, notamment en termes de conflits de compétences entre les trois présidences, la Cour constitutionnelle détient un rôle crucial ayant une incidence directe sur la vie des Tunisiens », rappelle-t-il.
« Malheureusement, certains partis espèrent profiter des prérogatives de cette Cour pour s’accaparer le pouvoir », analyse-t-il.
Concernant l’appel à la dissolution du parlement et à la tenue d’élections législatives et présidentielles anticipées qu’a lancé l’ancien président Moncef Marzouki, et d’autres personnalités politiques, une autre intervenante a souligné que la Tunisie ne peut pas s’aventurer en prenant une telle décision peu réfléchie, d’après ses dires.
« Le pays n’est pas en mesure de supporter un autre chamboulement politique, ou encore d’énormes dépenses publiques pour la tenue des élections. Malgré la déception des Tunisiens du rendement du parlement, il faut patienter, et penser à d’autres solutions moins radicales…», commente-t-elle.
Un autre passant a souligné l’impact de la crise politique sur la situation épidémique du pays, confronté désormais à une forte ascension des contaminations, et la possibilité de vivre bientôt une troisième vague du Coronavirus.
« Le manque de fermeté du gouvernement, et l’absence d’autorité en ce qui concerne l’application des mesures de restriction, sont liés directement à l’approfondissement de la crise politique. Au lieu de consolider leurs efforts pour surmonter la crise sanitaire, qui pèse sur la croissance économique, la classe politique demeure déconnectée de la réalité. Les partis continuent à organiser des réunions encourageant ainsi les rassemblements. Le gouvernement continue à autoriser les manifestations et les protestations dans la rue…Alors que les Tunisiens, semblent livrés à eux même, nous répond-t-il d’un ton révolté.
En revanche, les jeunes semblent garder une lueur d’espoir quant à l’amélioration de la situation. Comme ce jeune étudiant qui semble apprécier la proposition de la présidence, sur la participation des jeunes au dialogue national à travers les moyens de communication modernes. Ce dernier a appelé les l’UGTT ainsi que Kais Saied à appliquer cette démarche, afin de mettre en place des réformes qui correspondent aux aspirations des générations futures.
Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi
GNET Tunisie, 5 avr 2021
Etiquettes : Tunisie, crise politique, crise sociale, mùanifestations, protestations,
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