Par Mohamed Habili
Depuis son élection-désignation le 5 février dernier au terme d’un processus parrainé de bout en bout par l’ONU, Abdelhamid Dbeibah, le Premier ministre libyen provisoire, n’a fait qu’un seul déplacement dans la région : il s’est rendu au Caire, où il s’est entretenu avec le président égyptien, celui-ci étant, il est vrai, quelqu’un d’incontournable dans toute recherche de solution à la crise de son pays. Quand il a fait ce voyage, à noter qu’il n’était pas encore à proprement parler un chef de gouvernement, c’est-à-dire qu’il ne jouissait pas encore pleinement de la position en vertu de laquelle il a été reçu par Abdelfattah Sissi. Il faut croire que pour les deux hommes, ce n’était là qu’une formalité, en soi rien moins qu’insurmontable.
Depuis, Dbeibah n’a cru devoir se rendre dans aucune des capitales environnantes. Il n’a été nulle part dans le Maghreb, ni à Alger, ni à Tunis, ni à Rabat, ni à Nouakchott. Il ne lui coûtait pourtant rien de faire du moins semblant d’avoir grand besoin de leur soutien. Maintenant que des ministres des Affaires étrangères européens viennent le voir en groupe, il se donnera selon toute apparence encore moins cette peine.
Pas plus qu’avant-hier, c’est le président du Conseil européen, Charles Michel, qui est venu lui renouveler le soutien de l’Europe, mais tout autant bien sûr pour lui faire sentir combien il importait pour celle-ci que la route migratoire majeure vers le continent européen qu’est la Libye soit placée sous stricte contrôle. On pourrait presque voir un deal implicite là-dedans. Il serait le suivant : si vous, gouvernement libyen de transition, vidiez pour nous cette route, nous Union européenne serions disposés à faire en sorte que vous ne soyez pas seulement de transition, mais gouvernement tout court. Faites cela pour nous, et vous verrez combien nous sommes des amis sûrs.
Depuis le vote de confiance, le fait est que quelque chose semble avoir changé dans le physique de Dbeibah. On dirait qu’il s’est déjà carré dans la fonction, qu’il l’habite déjà. Le jour même où après des heures houleuses, la confiance lui avait été accordée, Aguilah Salah lui avait rappelé qu’il devrait être déjà parti avant la fin de l’année. En somme que pour lui et son équipe le compte à rebours avait commencé. Que sont allés faire les trois ministres européens des Affaires étrangères, celui de la France, de l’Italie et de l’Allemagne, lui dire vers la fin mars ? Qu’ils soutenaient la transition libyenne vers la réunification politique ? Ou qu’il le soutenait lui d’abord, gouvernement transitoire ? Ce pourrait ne pas être exactement la même chose.
L’aide dont a besoin la Libye pour surmonter sa crise, provoquée tout de même par une agression militaire européenne, son environnement immédiat est le mieux placé pour la lui apporter. Ce voisinage ne se réduit pas à l’Egypte, aussi importante que celle-ci puisse être pour la stabilité libyenne. Dbeibah a fait le déplacement du Caire, mais c’est le président tunisien qui a fait celui de Tripoli. En principe, c’est à Dbeibah de visiter Tunis. Il faut dès à présent suivre de près ses faits et gestes. Si au lieu de se consacrer entièrement à son mandat impérieux, qui est l’organisation d’élections générales avant la fin de l’année, et rien d’autre, il se met à courir plusieurs lièvres à la fois, et notamment à faire le garde-frontière de l’Europe, alors l’affaire est entendue : son intention n’est pas de rendre le tablier avant la fin de l’année mais au contraire de le garder.
Le Jour d’Algérie, 5 avr 2021
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