« Nous lançons un appel d’urgence pour que les autorités marocaines mettent fin au calvaire du journaliste sahraoui Mohamed Lamin Haddi »
Nourri de force après une grève de la faim de 78 jours, le journaliste sahraoui, emprisonné depuis dix ans, est dans un état de santé particulièrement préoccupant. Reporters sans frontières (RSF) appelle à faire prévaloir le principe d’humanité et à le libérer au plus vite.
L’état de santé et les conditions de détention du journaliste Mohamed Lamin Haddi, collaborateur de RASD TV, sont particulièrement inquiétants. RASD TV est une chaîne sous influence du Front Polisario, ce mouvement qui a proclamé la République arabe sahraouie démocratique, qui dispute le “territoire non autonome” du Sahara occidental au Maroc.
Incarcéré depuis le 20 novembre 2010, condamné à 25 ans de prison de 2013, le journaliste avait entamé une grève de la faim illimitée le 13 janvier 2021 pour dénoncer les mauvais traitements dont il fait l’objet, avant d’être nourri de force par une sonde nasogastrique depuis la semaine dernière. Lors d’un appel qu’il a pu passer à sa mère le 24 mars dernier, Mohamed Lamin Haddi a expliqué ne plus sentir la moitié de son corps.
Les proches de Mohamed Lamin Haddi peinent à avoir des informations sur son sort, les autorités marocaines refusant tout droit de visite à sa famille. Le 3 mars dernier, sa mère s’est rendue à la prison de Tiflet à Rabat, où est détenu le journaliste, alors qu’elle n’avait plus aucune nouvelle depuis près d’un mois. À son arrivée, elle n’a pas pu voir son fils et a été arrêtée par la police marocaine après une plainte du directeur du centre pénitentiaire l’accusant d’avoir provoqué des troubles à l’entrée de l’établissement.
“Le supplice de Mohamed Lamine Haddi n’a que trop duré, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Il est temps d’y mettre un terme et de sortir de l’oubli un journaliste victime d’un conflit vieux de 30 ans qui est en grève de la faim depuis plus de deux mois ! Le principe d’humanité doit prévaloir et dépasser les questions territoriales. Mohamed Lamine Haddi, jeté en prison il y a dix ans à l’issue d’une procédure inique, est aujourd’hui en danger de mort, il doit être au plus vite libéré. Nous lançons un appel d’urgence pour que les autorités marocaines mettent fin à son calvaire.”
Mohamed Lamin Haddi, qui est également membre de l’Association sahraouie des victimes de violations graves des droits de l’Homme commises par l’état marocain (ASVDH), a été arrêté en novembre 2010, deux semaines après avoir couvert le violent démantèlement du campement de protestation de Gdeim Izik, situé à 12 km de Laâyoun, la principale ville du Sahara occidental. Le journaliste a été jugé en même temps qu’une vingtaine de militants sahraouis et condamné à 25 ans de prison, en février 2013, par un tribunal militaire pour “actes de violence contre des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, avec l’intention de tuer”. Un observateur étranger a qualifié son procès “de spectacle indigne” et a dénoncé une procédure entachée de violations graves. Malgré le manque de preuves, la peine a été confirmée en appel par le Tribunal de Salé en juillet 2017 et en dernière instance, par la cour de Cassation, en novembre 2020.
Le camp de Gdeim Izik avait été érigé en octobre 2010 pour protester contre les mauvaises conditions socio-économiques dans le Sahara occidental, annexé en 1975 par le Maroc. Le territoire est revendiqué à la fois par le Maroc et par la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée par le Front Polisario en 1976. Durement affectée par ce conflit depuis 30 ans, la région est le théâtre, depuis l’année dernière, d’une recrudescence des tensions militaires entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis.
Le Maroc occupe le 133e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.
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