Dix-neuf Etats membres ont accepté de se montrer solidaires avec cinq pays en difficulté. En revanche, l’Autriche, la Slovénie et la République tchèque ont exigé de recevoir leur prorata de vaccins.
Un accord a été trouvé, mais il a un goût amer pour certains. Au cœur des discussions : la répartition dans l’Union européenne (UE) de 10 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech, pour laquelle les Etats membres se sont déchirés.
Après de longues et ardues négociations, un accord a été finalement trouvé, jeudi 1er avril, en fin de journée « sur une solution ponctuelle » qui « permet une expression significative de la solidarité par la distribution de près de 3 millions de vaccins aux Etats membres qui en ont le plus besoin », a annoncé la présidence portugaise de l’UE.
Trois pays, l’Autriche, la Slovénie et la République tchèque, ont exigé de recevoir – et vont recevoir – leur prorata des 10 millions de vaccins, précise le communiqué. Dix-neuf pays ont, en revanche, accepté de témoigner leur solidarité avec la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la Lettonie et la Slovaquie ; ces cinq pays vont recevoir leur prorata des 10 millions de vaccins et vont se partager 2 854 654 doses accordées par leurs partenaires.
De plus, l’Allemagne, la Belgique, Chypre, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie et la Suède vont se partager 6,66 millions de doses du vaccin.
L’intransigeance de l’Autriche lui fait gagner 60 000 doses
La proposition de compromis soumise aux Etats membres par le Portugal prévoyait une répartition au prorata de la population pour 7 millions de doses et de réserver 3 millions de doses à répartir parmi les cinq pays en difficulté.
Deux jours de négociations entre les ambassadeurs des pays membres n’ont pas permis d’infléchir les positions de l’Autriche, de la Slovénie et de la République tchèque. Prague a refusé le compromis, car il estimait « insuffisant » le geste fait en sa faveur. Sa position lui fait perdre 143 000 doses accordées au titre de la solidarité, a expliqué un diplomate européen.
Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, s’est félicité d’avoir récupéré, grâce à son intransigeance, 199 000 doses pour son pays au lieu de 139 000, comme le prévoyait le compromis du Portugal, ce qu’a déploré un diplomate européen :
« Le chancelier Kurz a fait preuve d’un manque de solidarité et a abandonné la Bulgarie, l’Estonie, la Croatie, la Lettonie et la Slovaquie. Il se contente d’écrire des lettres et laisse tomber ses alliés. »
« Sebastian Kurz s’est montré égoïste dans cette affaire. Il a refusé la solidarité qui était la motivation de son action », a renchéri le représentant d’un autre Etat membre. « Quant au premier ministre slovène, il donne un mauvais signal avant sa présidence de l’UE », a-t-il ajouté. La Slovénie prendra le relais du Portugal le 1er juillet, et le passera à la France le 1er janvier 2022.
« Mécanisme de correction »
Les 10 millions de vaccins disputés correspondent à une avance de livraison acceptée par Pfizer-BioNTech au deuxième trimestre. Elles font partie de 100 millions de doses qui ne devaient être initialement disponibles qu’à partir du troisième trimestre.
La répartition des doses précommandées par l’UE auprès des laboratoires se fait entre les Vingt-Sept au prorata de leur population. Si un Etat décide de renoncer à acheter sa part, les autres pays intéressés peuvent les racheter, a expliqué un négociateur. Or certains n’ont pas commandé assez de doses, ou trop misé sur le vaccin AstraZeneca, en raison de son prix moins élevé. Mais ils sont confrontés aux problèmes de production du groupe.
A la mi-mars, emmenés par le chancelier autrichien Sebastian Kurz, les dirigeants tchèque, slovène, bulgare, croate et letton avaient demandé la mise en place d’un « mécanisme de correction » pour obtenir des doses supplémentaires, estimant avoir été « lésés » par le système de répartition. Selon l’UE, les pays le plus en difficulté du point de vue vaccinal sont la Bulgarie, la Croatie, la Slovaquie, la Lettonie et l’Estonie.
Le Monde, 2 avr 2021
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