Sortir de la dépendance des hydrocarbures comme unique moyen de subvenir aux besoins du pays hantent les dirigeants. Le pétrole et le gaz dont l’Algérie tire 98% de ces recettes deviennent un frein à son développement. L’urgence de trouver d’autres marchandises à exporter est l’enjeu de la décennie.
L’Algérie vit depuis sept ans maintenant une crise économique aiguë qui s’est aggravée avec les restrictions liées à la pandémie mondiale. Même le récent rebond du marché pétrolier n’est pas suffisant pour la remettre sur le chemin d’une croissance susceptible d’éponger son déficit et relancer sa machine productive hors hydrocarbures. Et comme à quelque chose malheur est bon, voilà qu’on se rappelle que les pays gagnent de l’argent et parfois prospèrent en exportant des biens et services à l’étranger.
L’Algérie est pour l’instant monoexportarice d’une seule matière première et de ses dérivés. Ses fruits et légumes ainsi que ses rares produits manufacturés ne peuvent même pas remplir un hypermarché européen ou américain.
Durant les premiers mois de 2020, le plus grand pays d’Afrique et dixième du monde par la superficie n’a réussi à écouler que l’équivalent de 1,23 milliard de dollars hors hydrocarbures tandis que le déficit de sa balance commerciale se monte à près 80 %. Son secteur industriel participe à 5% du Pib et celui des services à exporter n’existe même pas.
D’autre part, le tourisme international boude le pays qui est avec la Libye et la Syrie, depuis 2011, le seul du pourtour méditerranéen qui n’attire pas les touristes étrangers en dépit de ses paysages fabuleux et de son histoire riche en événements ainsi qu’en monuments.
Comment expliquer cette malédiction ? Les facteurs sont nombreux mais à leur tête on retrouve la sacro-sainte, l’inénarrable, l’étouffante bureaucratie algérienne. C’est la raison pour laquelle les hommes d’affaires (affairistes est un terme plus approprié) préfèrent importer des marchandises du monde entier que de tenter l’aventure de l’exportation et de la présence sur les marchés mondiaux.
Le réveil brutal des consciences depuis le 22 février 2019 a mis à nu cette situation qui a profité uniquement aux chouchous du système et convaincu la majorité de la nécessité de changer le mode de gouvernement. Grâce à ce nouvel état d’esprit, même la diplomatie s’est rendu compte que défendre les intérêts du pays, c’est aussi promouvoir son économie et pas uniquement faire acte de présence dans les forums, les conférences, les conciliabules et les réunions d’apparat.
Aider les exportateurs
Du coup, les diplomates ont sorti le gros discours pour répondre présent à une mission dont leurs homologues étrangers s’acquittent naturellement de jour comme de nuit. Ainsi, l’ambassadeur et conseiller au ministère des Affaires étrangères, Smaïn Benamara, a récemment déclaré que le département des Affaires étrangères connaît actuellement « une nouvelle dynamique axée sur la relance économique du pays, jouant le rôle d’interface entre les opérateurs économiques et les marchés étrangers, dans le cadre de l’investissement et de l’exportation hors hydrocarbures ». Il a d’autre part révélé qu’un groupe de diplomates algériens suit en ce moment un cycle de perfectionnement en deux volets, l’un théorique et l’autre fait de déplacements dans différentes régions du pays auprès d’opérateurs économiques.
Les ambassades algériennes seront dorénavant chargées d’aider « les exportateurs algériens à pénétrer le marché mondial, d’autant qu’il existe un énorme potentiel en Algérie ». Eureka, « c’est la première fois que des diplomates se déplacent à l’intérieur du pays pour s’informer sur le potentiel des régions sur le plan économique et les possibilités d’exporter », annonce fièrement Fassih Rabah, directeur de la promotion et du soutien aux échanges économiques au ministère des AE.
Toutefois, la mesure qui aura l’impact le plus important sur le développement de l’exportation consiste dans une récente décision de la Banque d’Algérie. Les exportateurs pourront désormais « disposer de la totalité de leurs recettes d’exportations logées dans les comptes devises, pour les besoins de leur activité ». Ils seront en outre dispensés « de l’obligation des formalités de domiciliation bancaire les exportations de prestations des services numériques ainsi que celles portant sur les prestations de services des start-up et des professionnels non commerçants ».
La levée de ce blocage est à lui seule une mini révolution qui encouragera les opérateurs à vouloir conquérir les marchés internationaux, à commencer par la profondeur maghrébine, arabe et africaine de l’Algérie. Il reste à peaufiner l’arsenal juridique et administratif pour accompagner les plus offensifs d’entre eux.
Mohamed Badaoui
La Nation, 1 avr 2021
Etiquettes : Algérie, économie, diplomatie économique, exportations, hydrocarbures, pétrole,