Par Amar Abba(*)
Dans votre édition du lundi 29 mars 2021, votre collaborateur Slimane Laouari, sans doute emporté par l’enthousiasme du « yetnahhaw gaâ » s’est laissé aller à quelques approximations et généralisations pour le moins abusives sur tous ceux qui représentent notre pays à l’étranger, dans un article intitulé « La rapine et la monnaie », dans lequel il commentait un Periscoop de la veille relatif aux « biens en France » de l’ancien ministre Mohamed Bedjaoui. Il ne me revient pas de parler au nom de Mohamed Bedjaoui. Il est assez grand pour le faire lui-même, si toutefois il estime utile de le faire.
Cependant, étant ambassadeur à la retraite et ayant représenté notre pays durant longtemps à l’étranger, je me dois de rappeler à M. Laouari qu’il n’est ni bon ni sain de chercher à jeter le doute, sinon l’opprobre, sur la moralité d’honnêtes commis de l’État qui, dans leur écrasante majorité, ont passé leur vie au service de leur pays et parfois dans des conditions peu enviables. En utilisant les termes de « rapine » de « tremper le doigt dans le pot de miel » et d’« acquisitions offshores », votre collaborateur insinue de manière non équivoque que des diplomates versent dans la corruption. Rien, absolument rien, ne lui permet de le faire.
Faut-il rappeler à M. Laouari, dont j’apprécie par ailleurs les billets, que la majorité de nos diplomates à l’étranger sont des fils du peuple, ont fait des études supérieures, ont comme lui l’Algérie au cœur et aimeraient qu’elle se délivre de ses tares et de ses archaïsmes. Si un journal de qualité comme Le Soir d’Algérie, qui a payé un lourd tribut à la liberté d’expression, tombe dans ces outrances, il y aurait de quoi s’inquiéter.
Sans doute votre collaborateur devrait-il aller au-delà de l’image d’Épinal du diplomate du smoking, de la limousine et du petit four pour se pénétrer de la mission sensible, souvent difficile qui est celle de nos représentants à l’étranger, en particulier aujourd’hui.
La simple décence oblige, par ailleurs, à ne pas perdre de vue que certains de nos collègues exercent dans des pays en guerre. Faudrait-il aller jusqu’à rappeler qu’en Irak et au Mali plusieurs diplomates algériens ont payé de leur vie leur mission au service de l’État. D’autres ont disparu tragiquement dans « l’accident » d’avion à la frontière turque en compagnie du regretté Mohamed Seddik Benyahia en 1982. Ou servent dans des pays au climat difficile.
On ne compte pas le nombre de collègues qui sont morts, ou qui ont perdu un membre de leur famille, victimes de la malaria ou d’autres maladies tropicales, quand ils ne traînent pas tout le reste de leur vie les séquelles de ces maladies.
Ou ne trouvent pas d’école pour leurs enfants. Ou en sont séparés. Rassurez-vous, je ne suis pas là pour les plaindre et mon objectif n’est pas de faire pleurer dans les chaumières sur le sort des diplomates.
C’est un métier qu’ils ont librement choisi, un métier merveilleux, qui a ses grandeurs et ses servitudes. Mais pour revenir à l’article, on ne peut que se féliciter que des journalistes s’intéressent à la moralité des hommes et des femmes dont la fonction est de servir l’État, à l’étranger comme à l’intérieur du pays, tous secteurs confondus. Les hommes et les femmes qui choisissent de se mettre au service du bien commun doivent être irréprochables.
Malheureusement, et même si les traitements perçus par les diplomates, sont bien en-deçà des sommes faramineuses avancées çà et là, il est à craindre que leur tort soit simplement d’être payés en devises. Et ça, c’est un problème spécifiquement algérien.
J’espère que, lorsqu’à l’instar de beaucoup de pays en développement, parfois bien moins lotis que l’Algérie, notre gouvernement aura enfin autorisé l’ouverture de bureaux de change, ce prisme négatif disparaîtra de lui-même.
A. A.
(*) Ambassadeur à la retraite.
Le Soir d’Agérie, 1 avr 2021
Etiquette : Algérie, Slimane Laouari, Mohamed Bedjaoui, Hirak, corruption, diplomates,