PARIS – La France rejette un rapport de l’ONU selon lequel une frappe aérienne française dans le centre du Mali en janvier a tué 19 civils dans le cadre d’opérations antiterroristes au Sahel.
Ce qui s’est passé dans le village de Bounti, dans le centre du Mali, le 3 janvier, reste une question qui est au cœur d’un différend entre la France et la mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali, la MINUSMA.
En début de semaine, une enquête de l’ONU a conclu qu’une fête de mariage avait été touchée par la frappe aérienne française qui a tué les civils et trois hommes armés, qui seraient des membres djihadistes du groupe militant Katiba Serma.
Au cours des trois derniers mois, les autorités françaises ont nié que ce qu’elles ont touché était une fête de mariage ou qu’il y ait eu des dommages collatéraux dans une telle opération.
Dans des remarques faites cette semaine, la ministre française de la Défense, Florence Parly, a soutenu ses forces.
Parly a fermement nié tout acte répréhensible, expliquant que la frappe aérienne militaire du 3 janvier près du village de Bounti était légitime et visait un groupe terroriste armé préalablement identifié.
Le ministre français de la défense a également mis en doute la méthodologie de l’enquête de l’ONU, affirmant que l’enquête était basée sur des sources peu fiables.
Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès des Nations unies, se fait l’écho de ces doutes.
Il se dit sceptique quant aux résultats de cette enquête, affirmant que la plupart des entretiens ont été réalisés par téléphone avec des villageois. Selon Trinquand, Bounti est un bastion djihadiste connu, ce qui impliquerait que les témoignages ne seraient pas dignes de confiance.
Trinquand ajoute que les personnes tuées lors de l’attaque aérienne ont été enterrées rapidement, sans véritable vérification sur place. L’ancien général souligne ses doutes sur le rapport et il pense que les missions de l’ONU sont globalement contre l’usage de la force, ce qui, selon lui, pourrait expliquer le ton du rapport.
Les responsables de la MINUSMA ont décliné une demande d’interview. Cependant, la mission de l’ONU a partagé un enregistrement vidéo interne le 25 janvier montrant que les enquêteurs de l’ONU se sont rendus à Bounti et à l’endroit de la frappe aérienne, visitant le lieu de sépulture présumé des personnes tuées.
Dans la vidéo, Guillaume Ngefa, le chef de la division des droits de l’homme et de la protection de l’ONU au Mali, assure que la méthodologie était saine.
Ngefa décrit comment lui et son équipe d’enquêteurs se sont rendus sur le terrain, ont visité le village et rencontré les habitants. Il explique que des entretiens collectifs et individuels ont été menés sur place pour faire suite aux entretiens qui avaient été menés à distance avant leur visite dans le cadre de l’enquête.
Les enquêteurs ont rencontré des responsables français à deux reprises en mars pour discuter de l’enquête. L’ambassade de France au Mali a également soumis des commentaires sur les conclusions préliminaires de l’enquête.
Ces accusations interviennent alors que la méfiance du public à l’égard de la France s’accroît en raison de la présence de 5 000 de ses soldats dans la force anti-insurrectionnelle dirigée par la France, connue sous le nom d’opération Barkhane, au Mali.
Selon M. Trinquand, ces accusations mettent en jeu le soutien à la force Barkhane, car la France est présentée comme violant les droits de l’homme. Par conséquent, dit-il, la population malienne pourrait rejeter le maintien de la force sur le terrain et l’opinion publique française pourrait également aller dans le même sens.
Le ministre français de la défense est arrivé mercredi dans la capitale malienne, Bamako, pour rencontrer les principaux dirigeants du pays.
VOA, 1 avr 2021
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