La légalisation annoncée par les autorités marocaines de la production de cannabis à usage thérapeutique met fin à une hypocrisie. Des milliers de cultivateurs vivent de cette culture officiellement illégale. Un changement majeur, estime Kenza Afsahi, chercheuse au Centre Émile Durkheim (CNRS-Sciences Po Bordeaux).
Pour Kenza Afsahi, enseignante-chercheuse au Centre Émile Durkheim (CNRS-Sciences Po Bordeaux), le projet de légalisation de la culture et de la vente du cannabis destiné à un usage thérapeutique est une évolution majeure. Le Maroc est le premier producteur mondial de résine de cannabis, aujourd’hui illégale, et le premier fournisseur des Européens.
Pourquoi le Maroc a-t-il décidé de légaliser le cannabis à usage thérapeutique ?
C’est un contexte qui conjugue de nombreux facteurs. Il y a des changements à l’échelle internationale, notamment à l’ONU, dans l’appréciation des politiques face aux drogues, en particulier le cannabis. Et il y a une urgence écologique dans le Rif, principale zone de production au Maroc : faire face aux nouvelles méthodes de cultures très intensives qui ont créé des dégâts environnementaux et qui ont aggravé la situation économique, sociale et sanitaire des paysans.
Quels enjeux représente cette décision pour le Maroc ?
C’est un projet colossal qui devra relever des défis politiques, économiques, sociaux et culturels. Mais c’est une réelle opportunité pour construire de nouvelles relations entre l’État et une population qui a vécu dans l’illégalité pendant des décennies. Les enjeux sont aussi sanitaires puisqu’il faudra faciliter l’accès au cannabis pour les malades marocains.
Est-ce que cette décision impactera la vie des cultivateurs ?
Pour ceux qui vont adhérer au projet, ils auront de meilleurs revenus garantis par la future agence [chargée de contrôler la production], la possibilité d’une réinsertion sociale, etc. Le projet touche toute la société, ne serait-ce que parce que le cannabis devra être mis à disposition des patients marocains.
En revanche, le marché du cannabis « médical » restera peu important comparé à la production totale [qui alimente les réseaux illégaux de vente en Europe]. La nouvelle législation ne concernera donc pas tous les cultivateurs de cannabis. Une grande partie de la production restera à l’usage « récréatif ».
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