La Conférence épiscopale de France (CEF) a déploré ce vendredi la « cécité et la surdité » collectives face à la pédophilie en son sein et a reconnu publiquement sa « responsabilité passée, présente et future » dans les abus sur mineurs au sein de l’Eglise catholique nationale, qui auraient pu faire plus de 10.000 victimes selon une commission indépendante. Les hauts responsables religieux français ont promis de s’amender par une série de mesures comprenant une aide financière pour « l’accompagnement » des victimes et une journée nationale en leur mémoire, ainsi que la création d’un tribunal pénal canonique national.
L’Eglise « veut assumer sa responsabilité devant la société et demander pardon pour ces crimes et pour ces manquements », ont déclaré les responsables de la Conférence épiscopale française à l’issue d’une assemblée plénière à Lourdes. La pédophilie a occupé une bonne partie de la réunion de printemps des évêques, conscients que le rapport que la commission indépendante créée il y a deux ans présentera à la fin de l’été risque de provoquer un séisme dans une société de plus en plus intransigeante face aux abus sexuels sur les mineurs.
Les conclusions des évêques sont dévastatrices. « Les autorités ecclésiastiques n’ont pas su voir ou entendre et parfois elles n’ont pas voulu voir ou entendre (…). Nous reconnaissons cet aveuglement et cette surdité des évêques et des autres responsables ecclésiastiques « , dit la première et principale des 11 résolutions adoptées, qui tourne autour de la responsabilité de l’Église.
» Nous reconnaissons qu’ils ont omis de dénoncer, qu’ils ont éludé la justice, face à des faits dont ils avaient connaissance et qu’il y a eu un manque de rigueur dans la gestion des dossiers par certains responsables. Par exemple, dans la nomination des prêtres, ils ont sous-estimé le danger de récidive et il y a eu un sérieux manque de vigilance « , résume le texte, qui souligne le » devoir moral de reconnaître la situation et d’utiliser tous les moyens possibles pour faire connaître la vérité. » .
Pour cela, les évêques ont présenté ce vendredi une série de mesures, qu’ils mettront en œuvre progressivement jusqu’en 2022.
En ce qui concerne les victimes, l’Église française leur proposera une » aide financière » en fonction des besoins de chacune d’entre elles pour les aider à surmonter les abus. Le fonds sera initialement doté de cinq millions d’euros et sera attribué par une commission indépendante dès l’année prochaine. Face aux critiques passées et présentes selon lesquelles l’Église tente de faire le dos rond face à d’éventuelles poursuites judiciaires, M. Moulins-Beaufort a souligné qu' »il ne s’agit ni de compensation ni de réparation. »
Ils vont également créer une « équipe nationale d’écoute » des victimes. De manière plus symbolique, ils ont décidé de « consacrer une journée de mémoire et de prière pour les victimes », qui a été fixée au troisième vendredi du Carême – l’année prochaine, ce sera le 12 mars – et un « mémorial » sera créé qui servira à la fois à « garder vivante la mémoire des événements et la manière dont les personnes agressées ont vécu cette épreuve », mais aussi un « lieu pédagogique pour former les générations futures à la vigilance sur les dérives possibles du pouvoir spirituel ». L’idée initiale est, si « c’est possible », d’ériger ce mémorial à Lourdes.
Améliorer la formation
En matière de prévention et de réponse aux abus, l’Église s’engage également à améliorer la formation interne, tant pour détecter et écouter les éventuelles victimes que pour prévenir de nouveaux abus, ainsi que pour agir contre les pédophiles religieux. Dans ce sens, les évêques ont décidé de créer un « tribunal pénal canonique interdiocésain ». L’objectif est « de disposer des moyens nécessaires pour agir avec la diligence qui a souvent fait défaut dans ces affaires », a expliqué le vice-président de l’organe, Olivier Lebornge.
Enfin, les évêques s’apprêtent à envoyer jusqu’à l’été une « Lettre aux catholiques de France » dans laquelle ils reconnaissent « directement » les « fautes et erreurs commises » et « appellent à la vigilance, à l’aide financière aux victimes et à la prière. »
« Nous avons découvert que notre Église portait le mal dans ce qui pouvait sembler être son activité la plus positive, son œuvre éducative, son service en faveur de la croissance spirituelle des enfants et des jeunes », a déclaré Moulins-Beaufort à l’issue de la rencontre. Les témoignages publics des victimes, a-t-il ajouté, » nous ont fait prendre conscience que ces drames n’étaient pas des cas isolés que l’on peut attribuer à des fatalités de l’histoire, si c’était là un raisonnement chrétien durable, mais qu’ils étaient beaucoup plus destructeurs que d’habitude. que nous croyions ou voulions croire « .
Fin 2018, et harcelée par les cas de religieux sur le point d’être jugés pour pédophilie ou pour ne pas avoir dénoncé des abus dont ils avaient connaissance – comme le jadis tout puissant archevêque de Lyon, Philippe Barbarin -, la Conférence épiscopale française a accepté de créer un organe d’enquête indépendant qui étudie les éventuels cas de pédophilie depuis 1950 et « les raisons qui ont favorisé la manière dont ces affaires ont été traitées », afin qu’elles ne se reproduisent plus. C’est ainsi qu’est née la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), un organe composé d’une vingtaine d’experts -théologiens, juristes, sociologues ou psychologues- qui, depuis un peu plus d’un an, recueille les témoignages des victimes. Selon son président, Jean-Marc Sauvé, au début du mois, 3.000 victimes ont été confirmées, mais « il est très possible qu’il y en ait au moins 10.000 ».
elpais.com
Digis Mak, 26 mars 2021
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