Philippe Randrianarimanana
La France, «berceau des Lumières», mérite-t-elle encore les attributs honorifiques que lui a légués son histoire ? Rien n’est moins sûr, selon le New Statesman, qui, de la «Françafrique» aux contrats de ventes d’armes, stigmatise la trahison de la politique extérieure française.
France, « berceau des Lumières », mérite-t-elle encore les attributs honorifiques que lui a légués son histoire ? Rien n’est moins sûr, selon le New Statesman, qui, de la « Françafrique » aux contrats de ventes d’armes, stigmatise la trahison de la politique extérieure française.
Aux grands hommes la France se déclare reconnaissante, selon la célèbre inscription inscrite sur le fronton de son Panthéon. Forte d’un héritage culturel et intellectuel qui a laissé son empreinte dans le cours de l’histoire mondiale, la République française jouit allégrement de son statut de « patrie des droits de l’homme ». « Grâce à des géants comme Voltaire, la France a inspiré d’autres nations, notamment les Etats-Unis, pour qu’elles se libèrent elles-mêmes des élites aristocratiques corrompues et tyranniques », reconnaît le New Statesman . Mais cette image est désormais usurpée, car « en pratique les Français se comportent comme s’ils tenaient la caisse dans un bordel du Far West », s’indigne cet hebdomadaire britannique de gauche.
Non, la France n’est décidément pas une nation vertueuse, et le New Statesman ne mâche pas ses mots à l’égard des Français. « Non seulement ils ne regrettent rien, à l’instar d’Edith Piaf, mais, de sûrcroît, leur détermination à maintenir la croissance de leurs exportations d’armes les place en dehors de leurs propres lois, sans parler des conventions internationales qu’ils ont signées. » On croirait entendre un pamphlet contre les Etats-Unis de George W. Bush, dont le président français Jacques Chirac s’est fait le contradicteur émérite sur le dossier irakien. Mais cette posture diplomatique ne trompe pas l’hebdomadaire anglais. « La complaisance routinière du palais de l’Elysée envers les méfaits de ses clients en matière de droits de l’homme rend d’autant plus ironique le nouveau statut de héros de la gauche et gardien de la conscience européenne sur l’Irak attribué au président Chirac. »
Le New Statesman ne voit les réticences françaises face à l’intervention militaire en Irak que sous le prisme de la défense des intérêts économiques hexagonaux, patiemment noués avec le régime baasiste de Bagdad dans les années 90 par Alcatel, Renault et, bien sûr, TotalFinaElf. « La France a été plus enthousiaste pour envahir l’Afghanistan et en a dûment récolté les fruits en matière économique », alors que son effort d’assistance et de reconstruction laisse à désirer par rapport à celui consenti par l’Allemagne. « Pour être franc, les Français se contentent de payer le philosophe Bernard-Henri Levy pour aller ‘évaluer les demandes et besoins’ en Afghanistan. Pendant ce temps, Alcatel installe un réseau de téléphonie mobile à Kaboul et dans cinq autres villes », lance l’hebdomadaire sur un ton décapant.
Dans ce dossier à charge contre la politique étrangère de la France, le New Statesman dénonce aussi la non-interpellation par les Casques bleus français du Serbe de Bosnie-Herzégovine Radovan Karadzic, recherché pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Le constat n’est guère plus reluisant au Myanmar, où, selon le Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, « Total est devenu le plus fervent soutien du régime militaire birman ». Et que dire de l’insistance affichée par Jacques Chirac pour lever l’embargo européen sur la vente d’armes à la Chine, imposé après la répression des manifestants de la place Tian’anmen, en 1989.
Même la part honorable des fonds d’aide, de l’ordre de 0,41 % de son PNB, dont « une grande partie est destinée aux pays africains et aux agences de l’Alliance française », ne résiste pas à la critique corrosive du magazine. « Cette aide est centrée sur des projets visant à promouvoir la culture française plutôt que sur des mécanismes favorisant le respect des droits de l’homme, la bonne gouvernance ou la lutte contre la corruption. » Quant au génocide rwandais, le New Statesman rapporte les propos effarants d’une spécialiste qui enquête sur le rôle de la France, Linda Melvern : « En préparation des massacres, les Français disposaient de 47 officiers supérieurs sur place qui entraînaient les génocidaires. » L’enquête de la commission sénatoriale française pour le Rwanda ne fut qu’ »une opération de blanchiment »…
Loin des clichés sentimentaux droits-de-l’hommistes, la France se distinguerait surtout par ses contrats de ventes d’armes et d’équipements militaires, pour lesquels elle figure parmi les quatre premiers exportateurs au monde, grâce à « un réseau d’innombrables agences gouvernementales et d’officiers à la retraite qui aident les marchands d’armes à vendre leurs produits », notamment en Afrique, un continent qui souffre par ailleurs des 41,5 milliards d’euros annuels de subventions agricoles de l’Union européenne, « sans doute la conséquence la plus dommageable de la politique de la France ».
Un autre monde est possible, 22 déc 2007
Tags : France, Afrique, Françafrique, droits de l’homme, colonialisme, néo-colonialisme,
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