Ambassadeur d’Algérie : « Une étude est en cours pour l’ouverture d’une agence d’une banque algérienne à Nouakchott ».

Dans une interview accordée à l’agence de presse mauritanienne Al Akhbar, l’ambassadeur d’Algérie à Nouakchott a dévoilé l’intention des autorités algériennes d’ouvrir une agence bancaire à Nouakchott.

Texte intégrale de l’interviex (traduction non officielle)

Ambassadeur d’Algérie : « Une étude est en cours pour l’ouverture d’une agence d’une banque algérienne à Nouakchott ».

L’ambassadeur d’Algérie en Mauritanie, Noureddine Khandoudi, a souligné qu’il est devenu nécessaire de créer une succursale d’une banque algérienne à Nouakchott « pour faire face au grand développement des relations commerciales bilatérales afin de résoudre le problème du paiement et des transferts financiers. » Le texte de l’interview est le suivant :

Q : Comment voyez-vous la coopération algéro-mauritanienne, et quels sont ses domaines les plus saillants ?

R : La coopération algéro-mauritanienne est riche en réalisations et bénéficie d’une structure encadrée par des mécanismes : le Comité de concertation politique, le Comité de suivi et la Haute commission mixte de coopération algéro-mauritanienne. Ainsi, la coopération entre nos deux pays est durable et ouverte, puisqu’elle couvre tous les domaines sans exception. Elle se traduit également par des visites bilatérales dans le but d’approfondir et d’élargir la coopération entre les deux pays frères. En ce qui concerne les domaines les plus marquants de la coopération bilatérale, je parlerai des plus importants d’entre eux : les visites du plus haut niveau entre les deux pays frères, malgré les circonstances de la pandémie du COVID 19. En ce qui concerne les visites, je mentionne : – la visite du Ministre des Affaires Etrangères, Mr. Ismail Ould Cheikh Ahmed, en Algérie le 13 février 2020 ; – la visite du ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, à Nouakchott le 10 mars 2020 ; – la visite à Nouakchott en juin 2020 de la délégation ministérielle algérienne de haut niveau conduite par le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, qui comprenait les ministres des Finances, du Commerce et de la Santé ainsi que le directeur général de l’Agence algérienne de coopération internationale ; – le 4 janvier 2021, deux avions ont atterri à l’aéroport de Nouakchott, Oum Al-Tounsi, le premier transportait le ministre de la Santé, le ministre chargé de la réforme hospitalière, des experts du Comité scientifique de surveillance et de suivi du COVID 19, ainsi qu’une délégation médicale de 17 médecins et techniciens, pour aider la Mauritanie à faire face à la pandémie. Le second avion transportait vingt tonnes d’aide, de fournitures et d’appareils médicaux ; – de son côté, Alger a reçu du 5 au 7 janvier 2021 une importante délégation militaire mauritanienne conduite par le général de corps d’armée Mohamed Ould Makt. Au cours du mois de mars 2021, les deux pays ont coopéré dans les domaines suivants : – la pêche, et notamment l’échange de formation ; – la santé, par l’octroi d’une formation de haut niveau dans le domaine paramédical, en plus de la mise en place d’un accord global dans le secteur de la santé en général ; – les énergies renouvelables, l’impression de manuels scolaires, la coopération décentralisée entre Nouakchott et Alger. Tout cela attend la circonstance appropriée pour tenir une nouvelle session de la Haute Commission Mixte à Nouakchott.

Q : En 2018, les deux pays ont annoncé l’ouverture de leur premier passage terrestre. Comment cela se reflète-t-il sur les relations entre les deux pays, et sur les échanges commerciaux ?

R : La mise en place du poste frontalier commun et son lancement officiel en août 2018, constitue un changement qualitatif dans les relations entre les deux pays frères. Cet événement important sera suivi par la signature, prochainement, de l’accord portant création de la  » Commission frontalière bilatérale « . Cette Commission s’occupera de la coopération économique, culturelle et sécuritaire le long des zones frontalières communes. En attendant l’étape décisive pour l’achèvement de la route stratégique entre Tindouf et Zouirate (environ 900 km), qui changera les caractéristiques de toute la région par son développement et la forte impulsion de l’activité commerciale, économique et culturelle en plus du contact humain entre les deux peuples frères.

Dans le domaine culturel, un certain nombre de manifestations ont été annulées à cause du COVID 19 dont le forum international sur le savant Cheikh Abdelkarim Telemssani dans la ville algérienne d’Adrar, sous le haut patronage du Président de la République, M. Abdelmajid Tebboune. Cette personnalité est un héritage commun dans l’histoire de nos deux pays, avec la participation des pays africains voisins. Quant à l’aspect stratégique et géopolitique, la construction de la route entre la frontière algérienne et Zouirate fera de la Mauritanie le cœur de l’axe Le Caire-Dakar et Alger-Dakar. Ce dernier axe, qui s’inscrit dans les plans de l’Union africaine, est actuellement en cours d’achèvement. Après la réalisation de la route Nouakchott-Rousseau, les travaux du pont Rousseau sur le fleuve Sénégal débuteront. L’achèvement de cette route permettra également à la Mauritanie de communiquer par voie terrestre avec trois pays du Maghreb, à savoir l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Si l’on regarde la carte après la réalisation de cette route terrestre, la connexion entre les quatre pays du Maghreb mettra en évidence les caractéristiques de la construction d’un Maghreb arabe intégré sur le plan économique, commercial, humain et culturel.

Q : L’Algérie a organisé une exposition de ses produits et industries à Nouakchott, décrite comme la plus grande exposition de ce type en dehors de l’Algérie. Quelles sont les conséquences de cette exposition de produits algériens sur le marché mauritanien ?

R : L’Algérie a organisé deux expositions à Nouakchott, la plus grande en dehors du pays et la plus grande que Nouakchott a reçu également. La première du 30 avril au 6 mai 2017 et la seconde du 23 au 29 octobre 2018, et cette dernière était la plus grande, puisque 170 entreprises algériennes y ont participé en plus de 400 exposants et 133 hommes d’affaires algériens. En marge de cette exposition, 18 accords ont été signés entre des concessionnaires algériens et mauritaniens. Les deux expositions ont eu des répercussions qui se sont traduites par une forte présence des produits algériens sur le marché mauritanien. Le consommateur mauritanien a admiré ces produits pour leur qualité et leur prix. Nous attendons une percée dans les relations commerciales entre les deux pays, surtout si la route de la frontière à Zouirate est goudronnée.

Q : En octobre dernier, lors de la cérémonie de lancement du groupe parlementaire de l’Amitié Mauritano-algérienne, vous avez annoncé une étude sur la possibilité d’ouvrir une banque algérienne en Mauritanie, où en est cette question ?

R : Il est impératif d’établir une succursale d’une banque algérienne à Nouakchott pour faire face au grand développement des relations commerciales bilatérales et résoudre le problème de paiement et de transfert d’argent. Une étude est en cours en Algérie sur la possibilité d’ouvrir une succursale de la banque algérienne en Mauritanie et ailleurs.
Q : Deux nouveaux présidents ont pris le pouvoir dans les deux pays au cours des deux dernières années : Mohamed Ould Cheikh Al-Ghazouani en Mauritanie, et Abdelmajid Tebboune, alors comment ces nouvelles personnalités ont-elles affecté les relations des deux pays, et était-ce un impact positif ou négatif ?

R : Les relations entre les deux pays frères se sont accrues et étendues. Parmi les nombreuses preuves de ce rapprochement je mentionne : les conversations téléphoniques entre les deux présidents sur la situation du COVID 19 dans les deux pays et les questions d’amélioration des relations ainsi que l’échange d’envoyés spéciaux entre les deux pays.

Q : La région a connu des développements sécuritaires depuis octobre dernier, notamment ce qu’on appelle le passage de Guerguerat. Comment l’Algérie voit-elle cette question ? Et comment voyez-vous la position mauritanienne à ce sujet ?

R : La question du passage dit de Guerguerat doit d’abord être abordée du point de vue du droit international et de l’accord de cessez-le-feu de 1991 entre le Maroc et le POLISARIO. La problématique est de savoir comment une brèche dans le « mur de sable » que le Maroc a construit au Sahara Occidental après son occupation, s’est transformée en « passage », puis en « traversée » ? L’accord de paix qui a suivi un cessez-le-feu entre les deux parties stipule que les forces des deux parties doivent rester à l’intérieur des frontières dessinées par la carte de cessez-le-feu selon l’accord militaire numéro 1 signé le 24 décembre 1997 entre le Général Bernd Lubenik pour la MINURSO et Brahim Ghali pour le POLISARIO d’une part et le même Général et un représentant pour le Maroc, le 22 janvier 1998. L’accord définit la bande tampon. Il est interdit aux forces armées et aux véhicules militaires de pénétrer dans cette zone. Lorsque le Maroc a essayé de paver la route de Guerguerat à la frontière mauritanienne en 2016, l’ONU a refusé et l’a appelé à arrêter les travaux, ce qu’il a fait en février 2017. La brèche de Guerguerat a été créée par des contrebandiers et des trafiquants de drogue. C’est ce qu’a justifié le Maroc lorsque ses forces de gendarmerie ont franchi le mur de Guerguerat, le 11 août 2016, en soulignant que cette action s’inscrivait dans le cadre de la « lutte contre la propagation de la contrebande et du trafic de drogue. » Cette position déclarée peut être revue dans toutes les sources médiatiques de l’époque. D’autre part, la MINURSO utilise les brèches dans le mur de sable pour se déplacer entre les deux zones, contrôlées par le Maroc et la RASD, à ma connaissance Mahbas, Tafariti, Guelta et Awserd. Quant à Guerguerat, elle ne fait pas partie des brèches utilisées par la MINURSO. Comme chacun sait, l’établissement d’un passage légal entre deux pays voisins est une question qui doit être négociée et aboutir à un accord. Lorsque l’Algérie et la Mauritanie ont voulu créer un passage frontalier entre elles, elles ont négocié et se sont rencontrées pendant deux ans (2017-2018), après quoi l’accord pour établir le passage a été signé par les ministres de l’intérieur des deux pays. Autant que je sache, la Mauritanie reconnaît la RASD, et dans les documents officiels de la Mauritanie, il est indiqué qu’elle est bordée au nord par le Sahara occidental. En ce qui concerne l’Algérie, l’attaque contre des manifestants sahraouis pacifiques, en plus du franchissement du mur susmentionné, est une violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu de 1991.

Quant à la position de la Mauritanie, c’est une position souveraine, basée sur la « neutralité positive ». Je comprends personnellement de la neutralité que la Mauritanie reconnaît à la fois le Royaume du Maroc et la RASD, traite avec eux, et reçoit leurs émissaires. Nous avons un grand espoir que la Mauritanie joue un rôle positif dans ce conflit, surtout pour amener les frères marocains et sahraouis à négocier une solution au conflit en tenant compte des résolutions de l’ONU et du droit international.

Q : Quelle est la position de l’Algérie sur le groupe des cinq pays du Sahel, et sur la force conjointe de ce groupe ? Quelle est sa relation avec ce groupe dans le contexte de la sécurité et de la stabilité dans la région ?

R : D’emblée, je dois saluer le fait que l’Algérie entretient des relations fortes, fraternelles et historiques avec les pays africains qui ont formé le G5 Sahel. La position de l’Algérie concernant la sécurité dans les pays voisins est fondamentale. Notre pays est convaincu que ces pays peuvent coopérer entre eux pour relever les défis posés par les problèmes de sécurité. L’Algérie est connue pour son rejet de l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures des pays du continent. D’autre part, l’armée algérienne assume constitutionnellement les tâches de défense de la souveraineté nationale, de l’unité et de la sécurité du pays. Les actions et les mouvements des forces algériennes sont soumis au Président de la République, Commandant suprême des forces armées, ainsi qu’au ministre de la Défense nationale.

Q : L’Algérie a rejoint plusieurs organismes concernés par la sécurité régionale dans la région du Sahel (Pays du champ – Amis du Mali -), avant la disparition de ces formations. L’Algérie a-t-elle préféré maintenir une coopération et une coordination bilatérale avec chaque pays séparément plutôt qu’une coordination multilatérale ?

R : L’Algérie travaille sérieusement à renforcer la coopération militaire avec la Mauritanie, le Mali et le Niger pour faire face aux défis sécuritaires imposés à la région. La création du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) en 2019, basé à Tamanrasset, en Algérie, est un pilier fondamental pour répondre aux menaces et aux risques sécuritaires par la coopération et l’échange de renseignements pour coordonner les actions de part et d’autre des frontières communes des quatre États membres, et pour s’appuyer sur leurs propres capacités et leurs forces. L’Algérie reste convaincue que le CEMOC constitue un mécanisme efficace et utile pour la coopération avec d’autres partenaires. Il convient de rappeler que le 9 février 2021, Bamako a accueilli une réunion des chefs d’état-major du CEMOC, en présence de tous les États membres. Cela indique que les pays concernés adoptent toujours le CEMOC comme un moyen de coopération entre eux. La Mauritanie assure actuellement la présidence tournante de ce comité.

Q : La France travaille au déploiement d’une force européenne dans la région du Sahel, plus précisément dans le nord du Mali. Quelle est la position de l’Algérie par rapport à cette force ?

R : Dans mes réponses aux deux questions précédentes, j’ai indiqué que les positions de l’Algérie sont fondées sur des principes et découlent du rejet de toute forme d’intervention militaire étrangère pour résoudre les problèmes sécuritaires et militaires des pays de la région, au Sahel, en Afrique en général, ou au Moyen-Orient. L’expérience a montré que les interventions militaires étrangères ne résolvent pas les problèmes. Elles compliquent plutôt les problèmes et les approfondissent.


Source : Al Akhbar, 22 mars 2021

Tags : Mauritanie, Algérie, Maroc, Sahara Occidental, coopération,

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