Par : Théa Ollivier
Les manifestations et les émeutes qui ont secoué le Sénégal, au début du mois de mars, n’étaient pas seulement concentrées à Dakar. Elles avaient éclaté suite à l’affaire Ousmane Sonko, le leader du parti d’opposition les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), qui est inculpé de viol et de menaces de mort. D’autres régions se sont mobilisées, et pour « défendre la démocratie », comme à Saint-Louis, au nord du pays, une ville particulièrement touchée par le chômage des jeunes qui est aussi le point de départ de l’émigration irrégulière.
Le quartier populaire de Pikine est encore meurtri par le décès de plusieurs dizaines de jeunes candidats à l’émigration clandestine qui voulaient rejoindre l’Europe en octobre dernier. Papis Lam, enseignant de 35 ans, est aujourd’hui le seul à avoir un salaire fixe pour faire vivre toute sa famille. « J’ai perdu deux frères en mer. Ils voulaient chercher du travail. On vit le pire, nous dit Papis Lam. Dans une famille, on a une seule personne qui est salariée. Tous les autres se débrouillent, avec des difficultés pour l’alimentation et le loyer. »
Ibrahima est étudiant en géographie à l’université Gaston Berger de Saint-Louis. À l’âge de 21 ans, il a participé pour la première fois à plusieurs manifestations suite à l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko début mars. Il dit avoir été porté par un sentiment d’injustice : « Au départ, c’était seulement un soutien à Sonko, mais après les manifestations ont dégénéré, parce que ça a dépassé la personne de Sonko. Il y avait une sorte de frustration, par rapport à ce que fait le régime actuel. Tu étudies quatre ans et après tu peines à trouver un boulot ».
Manque d’emploi pour les jeunes, absence d’un tissu industriel et d’infrastructures ; c’est le constat de Diarra Sow, membre du bureau de Pastef de Saint-Louis. Dans la ligne du Mouvement national de défense de la démocratie, le M2D, elle exige que se tiennent les élections locales en 2021, dans l’espoir d’une alternance à la mairie. « Il y a des enjeux énormes, par rapport aux différents problèmes dont souffrent les jeunes. Ce sont des problèmes socio-économiques, de chômage, d’employabilité ou de santé. Donc, il est de notre devoir de pouvoir occuper ces différents postes-là, afin de venir en aide à notre population », soutient Diarra Sow.
À Saint-Louis, les piliers de l’économie sont la pêche et le tourisme. Deux secteurs en difficulté face à la raréfaction du poisson et à la pandémie de coronavirus avec la fermeture d’hôtels et de restaurants, explique Papa Ibrahima Faye, conseiller municipal et membre du parti présidentiel, APR Alliance pour la République. « Il y a une crispation, une colère, un mal vivre des jeunes avec les activités dans le monde informel. À nos jeunes de trouver des capacités de résilience, en se formant dans d’autres métiers, parce qu’on ne peut pas se dire que forcément c’est la pêche qui doit nous guider. Il faut qu’il y ait une diversification », affirme l’élu municipal.
Si la mairie n’a pas toujours le budget pour répondre à ces enjeux, le plaidoyer auprès de l’État est fait pour que soient développées des infrastructures, assure Papa Ibrahima Faye.
RFI, 24 mars 2021
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