Une simple lecture des chiffres dévoilés par l’Autorité nationale indépendante des élections est déjà un puissant indicateur.
Plus de sept cents formulaires de candidature ont été retirés par les partis politiques, alors que pour les indépendants leur nombre a atteint les 300. A l’heure actuelle, ces chiffres cachent mal le faible engouement et le manque de dynamisme des potentiels postulants à la députation.
Pour les observateurs, mille formulaires retirés seulement c’est vraiment très peu par rapport au nombre des wilayas (48 plus les dix nouvelles circonscriptions nouvellement créées), les dairas , près de 500, ou les communes (1542).
En dépit des facilitations offertes par l’Etat pour encourager les jeunes à s’intégrer dans la vie politique, à travers la gratuité des salles destinées aux meetings et autre rassemblements, ainsi que la disponibilité des panneaux publicitaires, des partis politiques trouvent des difficultés pour former leurs listes de candidatures.
L’opération de charme qui vient de commencer depuis trois semaines environ trébuche sur plusieurs points. Sadek, un sexagénaire, transfuge du vieux FLN, mais cadre dirigeant d’un petit parti politique, est anxieux: ” J’avoue que c’est difficile de convaincre aujourd’hui. D’abord, il faut dénicher l’oiseau rare, un universitaire doublé de moralité irréprochable, sans passé douteux, et surtout un peu formé sur le plan politique. Puis le convaincre de faire partie d’une liste d’une quarantaine de personnes. Ce n’est pas facile”.
Pour Sadek, à qui on l’a confié la lourde tâche de confectionner cette fameuse liste, les législatives anticipées ont surpris tout le monde, aussi bien les partis politiques, notamment les petits encore mal-préparés, que les associations nationales et locales, qui étaient un peu éloignées de la vie politique. “Le temps presse pour nous. Le mois du Ramadhan sera cruciale. Il faut donc faire vite pour attirer des jeunes candidats et surtout des candidates universitaires”.
D’autres militants de partis pensent que l’une des plus grandes contraintes qui va peser durant cette première phase, c’est sans doute la campagne de sensibilisation sur les nouvelles modalités du vote, le mode du scrutin, dont plusieurs jeunes ne connaissent pas encore le contenu. Ils notent l’absence de toute campagne de communication ou d’explication par l’ANIE sur ce vote, dont beaucoup de dispositifs ont changé.
D’autres cadres estiment que la difficulté demeure cette quête de signatures en faveur des candidats des partis politiques. “L’opération est délicate et très ardue. Pour gagner les élections, il faut gagner d’abord ces signatures. Ce n’est pas une bataille aisée même pour les formations politiques”, nous dit Brahim, un politique aguerri.
Il signale que les jeunes ne sont pas totalement portés sur la chose politique et ignorent presque tout de l’action électorale. Il a indiqué que même les partis politiques les plus connus n’arrivent pas à trouver le bon créneau pour mobiliser au moins une centaine de jeunes par commune, qui serait la base arrière de tout activité politique.
Brahim pense aussi que durant les dernières années, les partis politiques n’ont pas fonctionné réellement, se contentant des quotas attribués à chaque élection législative ou communale. “Nous fonctionnons comme des appareils de rente.
Le jeu était fermé pour tout le monde, pour les nouveaux cadres, les ingénieurs, les architectes, les médecins, les enseignants, les jeunes intellectuels ou activistes dans le mouvement associatif. Les partis étaient des organes en forme de muraille. Ce n’est pas en quelques jours que la mentalité va changer”, révèle Brahim.
Chez les potentiels candidats indépendants, c’est la même angoisse. Celle du parcours du combattant qui les attendent durant ce processus électoral. Pour Anis M., la ferveur existe, l’espoir de faire quelque chose est présente, mais la tâche est complexe. “Je suis candidat certes. Je veux être un parlementaire.
J’ai mon propre programme pour ma wilaya que je connais très bien, puisque je suis cadre dans une administration régionale, mais je suis obligé de chercher d’autres candidats intéressés comme moi. Il me faut déjà plusieurs pour établir une liste. Comment dois je faire?. La loi a surtout aidé les jeunes membres d’une association ou actifs dans un mouvement bénévole”.
La crainte de retomber dans les mêmes travers des précédentes expériences pèse sur l’esprit de ces jeunes. Certes, il n’y a plus de hiérarchisation, plus de tête de liste, le mode du scrutin a permis à l’électeur d’être libre de choisir le candidat qu’il préfère sur une longue liste.
La représentation proportionnelle au vote préférentiel sur une liste ouverte est un acquis immense pour les jeunes candidats. Or, c’est la confection d’un programme commun, une liste commune et une campagne collective qui deviennent une mission impossible.
Le Jeune Indépendant, 22 mars 2021
Tags : Algérie, éléctions législatives, candidats,
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