L’affaire de « Mouf, l’insaisissable roi du shit », révélée par l’hebdomadaire français, L’Obs dans sa version électronique et reprise par des sites d’information algériens, a créé de l’agitation dans le milieu médiatique algérien, en attendant son impact sur les cercles officiels. L’homme qui « ferait entrer entre 40 et 50 tonnes de shit chaque année en France, sans parler de la Belgique et de l’Italie est en fuite en Algérie », selon la publication parisienne.
« Ce que l’on connaît de sa vie est un roman noir : meurtres, enlèvements, trahisons et grosses cylindrées », détaille L’Obs en traçant les grandes lignes du portrait d’un narcotrafiquant de grosse pointure, qui fait circuler annuellement quelques 70 millions d’euros grâce à une « logistique d’envergure internationale », et qui se trouverait en Algérie, où parait-il, il a de la famille. Un itinéraire digne d’Escobar, à l’issue duquel, « Mouf » est passé du statut de simple trafiquant à celui de patron parmi les patrons de l’immense industrie du haschich, en toute sérénité, même si ça été entrecoupé par une incarcération de 4 ans.
Condamné en 2004 à 8 ans de réclusion criminelle, il est libéré en 2008 et reprend son activité, en renforçant son réseau transméditerranéen sans le moindre problème ! Fut-elle un scoop, l’information ressemble ou a l’air d’une fuite organisée. Sauf si elle est destinée à influencer la scène maghrébine, marquée d’un côté par la légalisation au Maroc de l’usage thérapeutique du cannabis et une guerre sans merci déclarée aux barons des stupéfiants en Algérie. Le tout dans un contexte de ni guerre ni paix. Dans quel sens et pour quel objectif ?
Donner une réponse est encore prématuré, mais les autorités à Alger possèdent assurément tous les éléments leur permettant de décoder le message. Que cache cette affaire, qui n’a pas du tout l’air d’un trafic sordide ? Pour qu’elle ait le privilège d’être mise en avant par le magazine français où ont collaboré de nombreuses personnalités politiques françaises, dont Jacques Delors, il faudrait qu’elle soit porteuse de prévisions.
La médiatisation de « Mouf » n’est pas innocente, du moins sous l’angle «politico-politique ». Un puissant baron de la drogue, tel que présenté par L’Obs, n’aurait jamais existé, s’il n’agissait pas au sein d’une ramification hyper-protégée, en France, au Maroc et en Algérie principalement. On n’est pas devant une histoire de self made man, mais d’un « phénomène » monté de toutes pièces, que l’on s’apprête aujourd’hui à démanteler. Au profit de qui et dans le cadre de quelle stratégie ? Toute la question est là. Quels sont ses rapports avec les barons locaux ?
Quoi qu’il en soit, l’affaire de « Mouf, l’insaisissable roi du shit », n’est pas anodine. L’écran est encore noir, mais quand il sera éclairé, on verra des pyramides s’affaisser comme de vulgaires châteaux de cartes. Un feuilleton en perspective, si tout fonctionne selon les prévisions des scénaristes.
Mohamed M.
L’Est Républicain, 22 mars 2021
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