Par Gaspard Sebag
L’ancien président est accusé d’avoir dépassé le plafond des dépenses électorales
L’ancien président français Nicolas Sarkozy doit retourner devant le tribunal mercredi, deux semaines seulement après sa condamnation historique pour corruption, cette fois-ci face à des allégations distinctes selon lesquelles il aurait dépassé les limites de dépenses électorales lors de sa campagne électorale ratée de 2012.
M. Sarkozy est accusé d’avoir ignoré les avertissements des comptables qui l’avertissaient que le financement de sa campagne était hors de contrôle, alors qu’il enchaînait les meetings pour tenter de se faire réélire. Il aurait ainsi dépensé au moins 42,8 millions d’euros (51 millions de dollars), soit environ deux fois plus que le plafond total fixé pour les deux tours.
Depuis qu’il a quitté ses fonctions, la vie de M. Sarkozy est devenue une sorte de marathon juridique. L’année dernière, il a passé trois semaines au tribunal pour tenter de se défendre contre les allégations de corruption. Quelques semaines auparavant, l’ancien président avait été interrogé par un enquêteur principal qui a porté de nouvelles accusations dans une autre enquête sur les allégations de financement illégal de sa campagne victorieuse de 2007 par le régime de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
Un autre accusé dans l’affaire de mercredi, Jérôme Lavrilleux, directeur adjoint de la campagne de Sarkozy en 2012, devrait demander le report du procès après qu’un de ses avocats a été testé positif au Covid-19. Dans la partie de l’affaire qui ne concerne pas l’ex-président, Lavrilleux est accusé d’avoir participé à un système de fausses factures et risque jusqu’à cinq ans de prison.
Après la condamnation du mois dernier, les enjeux sont moins importants pour M. Sarkozy dans ce qui est devenu l’affaire Bygmalion, du nom d’une société de communication engagée pour organiser ses meetings pendant la lutte électorale de 2012. Il risque tout au plus une peine d’un an et une amende de 3 750 euros.
Pourtant, les intérêts divergents de la douzaine d’autres accusés laissent penser que les accusations pourraient être plus nombreuses que lors des récentes comparutions devant le tribunal.
Lors du procès pour corruption de l’ancien président, les trois coaccusés ont fait front commun pour nier l’existence d’un quelconque pacte illégal, Sarkozy rejetant les conversations téléphoniques mises sur écoute et présentées par l’accusation comme des « bavardages » sortis de leur contexte. Il a fait appel de la condamnation, suspendant ainsi son exécution.
L’affaire de la limitation des dépenses, si elle n’est pas reportée, doit durer jusqu’à la mi-avril. Thierry Herzog, qui a été condamné au début du mois aux côtés de Sarkozy dans le procès pour corruption, a été l’avocat de l’ex-président tout au long de cette affaire.
Herzog n’était pas immédiatement disponible pour faire des commentaires avant le procès. L’avocat – qui, comme son ami, l’ex-président, fait également appel de sa condamnation pour corruption – a précédemment déclaré qu’il considérait que la question de la campagne électorale était réglée car son client avait déjà payé une pénalité.
Sarkothon
En raison de ses dépenses excessives, le parti de M. Sarkozy a été contraint de recourir à des dons privés dans le cadre de ce que l’on a appelé le « Sarkothon », après que la Cour constitutionnelle française a décidé en 2013 de ne pas rembourser 11 millions d’euros de dépenses électorales.
Malgré les déboires juridiques de Sarkozy, il n’est pas le seul. Aucun des grands partis politiques français n’a été épargné par des embarras juridiques au cours de la dernière décennie. Plusieurs ministres d’Emmanuel Macron font actuellement l’objet d’une enquête, la présidence de François Hollande a été ternie lorsqu’on a découvert que son ministre du budget fraudait le fisc et Marine Le Pen a été accusée d’avoir détourné des fonds de l’Union européenne.
Mais le parti de centre-droit de Sarkozy, Les Républicains, est peut-être le plus durement touché, avec les condamnations consécutives en moins de neuf mois de ses deux hommes politiques les plus célèbres. Quelques mois avant Sarkozy, l’ancien Premier ministre français François Fillon et son épouse Penelope ont été reconnus coupables d’avoir détourné plus d’un million d’euros dans un scandale lié à un faux emploi de conseiller.
Fillon, grand favori de la course à la présidence française de 2017 jusqu’à ce que les allégations apparaissent quelques mois avant le vote, n’a pas atteint le second tour et Sarkozy a déclaré peu après sa condamnation qu’il n’avait pas l’intention de faire un retour pour l’élection de 2022.
Bloomberg, 16 mars 2021
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